Arme du pouvoir, Matrice de gestion

Grey Anderson

Dans « Arme de pouvoir, matrice de gestion », Grey Anderson examine comment l’OTAN a influencé la gestion politique et sociale des États membres à travers des stratégies militarisées. L’article explore comment l’alliance a intégré des pratiques de gestion du pouvoir, en fusionnant sécurité militaire et contrôle civil. Anderson souligne que les doctrines de l’OTAN, au-delà de la défense territoriale, servent également à gérer des populations, reliant ainsi guerre, technologie et administration.

Initialement paru dans la New Left Review sous le titre « Weapon of Power, Matrix of Management » en mars 2023, traduction inedite réalisée avec l’aimable autorisation de la revue.
Date
Mars-Juin 2023
Difficulté
Intermédiaire

Arme du pouvoir, Matrice de gestion

Les alliances militaires, par définition, sont un accord portant sur l’usage de la force contre un adversaire. Mais ce n’est ni leur seul, ni même leur rôle premier [01]. Maintenir l’ordre interne, encourager le commerce et disséminer une idéologie, entre autres, s’ajoutent aux activités d’une alliance. En plus d’offrir un cadre pour la défense collective et donc pour une diplomatie coercitive, elles peuvent également servir de pactes de modération, au travers desquels une puissance forte gère ses alliés plus faibles, des adversaires potentiels recherchent la conciliation, ou des parties se promettent une tolérance mutuelle par des contrats [02]. Depuis ses débuts en 1949, l’OTAN a assumé toutes ces fonctions ; chacune d’entre elles n’a pas eu une importance égale, et leur poids relatif a évolué au fil du temps.

Dès le début, les architectes du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ne se faisaient que peu d’illusions sur l’utilité militaire de leur accord. Dans le cas improbable d’une offensive soviétique sur l’Europe occidentale, on ne pouvait pas compter sur une poignée de divisions américaines sous armées pour renverser la vapeur. Avec la militarisation de l’alliance au tournant des années 1950 (par l’ajout de “l’organisation” [03]et du commandement intégré au moment où les forces chinoises traversaient le Yalu [04], les forces à la disposition du commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) devinrent plus redoutables – au milieu de la décennie, elles étaient équipées de canon atomiques M65 de 280mm – mais les projets visant à mettre en place une défense à la trouée de Fulda [05] ou dans les plaines d’Allemagne du nord ont toujours été farfelus et considérés comme tels. Dans l’immédiat après-guerre, l’ennemi intérieur était le plus préoccupant. Les dirigeants voyaient dans l’OTAN un rempart contre les troubles intérieurs autant que contre l’Armée rouge [06]. De telles considérations illustrent une autre dimension de l’alliance : pour les propagandistes d’hier et d’aujourd’hui, son mandat s’étend aux  » valeurs  » aussi bien qu’à la sécurité. Le traité de 1949 n’engageait-il pas ses signataires non seulement à  » maintenir la sécurité de la région de l’Atlantique Nord  » au-dessus du tropique du Cancer mais aussi à  » protéger la liberté, l’héritage commun et la civilisation de leurs peuples, fondés sur les principes de démocratie, de liberté individuelle et de l’état de droit  » ?

1. Monde Libre

L’espace mondial – À première vue, un agrégat qui comptait l’Estado Novo [L’Estado Novo est le régime de Salazar au Portugal basé sur un nationalisme conservateur il dure jusqu’en 1974] et l’Algérie française coloniale parmi ses membres fondateurs ne pouvait pas être considéré comme une publicité pour la vertu démocratique. La garantie du contrôle civil n’était pas non plus impeccable. Dans les dix années qui ont suivi leurs adhésions à l’alliance, la Turquie (admise en 1952 aux côtés de la Grèce, premier cas d’expansion) et la France ont vu leurs gouvernements élus renversés par des coups d’État ; en 1967, les putschistes grecs ont tiré les grandes lignes de leur complot d’un plan d’urgence de l’OTAN pour des opérations nationales de contre-insurrection [07]. Les adhésions de l’Albanie (2009) et du Monténégro (2017) ont encore mis à l’épreuve les conceptions de l’État de droit ; dans la mesure où l’OTAN prétend être une  » alliance de démocraties « , il est préférable de la comprendre en termes restrictifs. C’est à dessein et non par défaut qu’elle a effectivement limité l’exercice de la souveraineté de la part des citoyens de ses membres, en isolant les décisions existentielles sur la guerre et la paix du tumulte de la politique électorale [08]. À cet égard, l’alliance peut être comparée aux institutions de l’Union européenne, qui ont vu le jour dans la même conjoncture et ont mûri dans le cadre du protectorat nucléaire imposé par Washington.

Nullement inquiétées par des perspectives immédiates de ravages sur le front central, se contentant de veiller à la restauration conservatrice à l’ouest de l’Elbe, les autorités américaines ne montrent aucun signe de considération excessive à l’égard du préambule du traité de Washington. Les murmures au Canada, en Norvège et aux Pays-Bas sur l’inclusion du Portugal de Salazar s’estompèrent devant les impératifs géostratégiques de renforcement d’un flanc méridional. Les accords bilatéraux entre Washington et Madrid, conclus dans le cadre d’un traité de 1953, suffirent à écarter les objections liées à l’adhésion éventuelle de l’Espagne franquiste [09]. Au départ, l’Allemagne posait inévitablement un problème plus épineux. La France, en particulier, était réticente à accepter le réarmement de sa rivale historique. L’échec des tractations qui suivirent, qui s’articulaient autour d’un projet alternatif de Communauté européenne de défense, déboucha sur un compromis simple, la subvention américaine de la contre-insurrection coloniale française achetant le consentement à une Wehrmacht ressuscitée dans le giron de l’OTAN. Avec l’entrée de la République fédérale, officialisée en 1955, l’OTAN répondit à la question, pour reprendre les termes d’une analyse de la Central Intelligence Agency, de savoir  » qui allait contrôler le potentiel allemand et donc détenir l’équilibre des forces en Europe [10]. Ce n’est pas la dernière fois que l’alliance résolut un problème qu’elle avait en fait elle-même créé. Ayant opté pour la remilitarisation, les Américains se trouvèrent dans l’obligation de mettre des centaines de milliers de soldats en garnison en Allemagne de l’Ouest, tant pour rassurer leurs voisins que pour dissuader les Soviétiques. Pour une minorité bruyante de l’establishment de la politique étrangère américaine de l’immédiat après-guerre, il s’agissait d’une erreur fatale, qui liait le pays à une politique néo-impériale de domination, par opposition à un leadership au sein d’un système plus pluraliste [11]. À la fin des années 1940, cependant, de tels points de vue n’étaient plus de mise. Ils ignoraient à la fois l’ampleur de la supériorité américaine et l’étendue de ses intérêts : l’incorporation du pourtour du Pacifique, du bassin méditerranéen et de l’Europe dans un ordre capitaliste mondial [12]. L’OTAN, dans ce vaste projet, agissait avant tout pour empêcher l’émergence d’un bloc rival dans le cœur de l’Eurasie, dont le centre géopolitique se situait au confluent du Rhin et de la Ruhr. Même les détracteurs du traité en acceptent généralement la logique sous-jacente. Lors du débat au Sénat sur la ratification, son opposant le plus virulent, Robert Taft, de l’Ohio, proposa simplement d’étendre la doctrine Monroe [13] à l’Europe [14].

D’autres institutions se développèrent à leur tour pour gérer la reconstruction d’après-guerre sur le continent, prémices de la Communauté européenne. En déchargeant les États constitutifs de la responsabilité d’assurer leur propre défense, l’OTAN encouragea ce processus tout en constituant un garde-fou contre les velléités d’autonomie non souhaitées. Elle était à la fois un moyen de progresser vers l’intégration européenne et une protection contre celle-ci. La structure de l’alliance, coordonnée par le Conseil de l’Atlantique Nord et bientôt dotée de son propre organe parlementaire, révèle l’équilibre des influences en son sein : le titre de secrétaire général civil est traditionnellement attribué à un Européen ; le Grand Quartier Général des Puissances Alliées en Europe (Supreme Headquarters Allied Powers Europe, SHAPE) est sous commandement [15] américain. Au milieu des années 60, une analyse du département d’État concluait que l’OTAN « restait essentielle pour les États-Unis en tant qu’instrument bien établi et facilement disponible pour exercer l’influence politique américaine en Europe” [16]. Les décennies suivantes confirmèrent cette évaluation. Ce n’est pas que la Communauté atlantique, comme on l’appela par la suite, ait été exempte de discordes. Un De Gaulle réfractaire, allant jusqu’à retirer la France du commandement intégré de l’alliance en 1966, constituait un problème. Les exigences d’une Allemagne de l’Ouest renaissante, sortant de ses Wirtschaftswunderjahre [17] et tentée à la fois par les opportunités économiques à l’Est et par le chant des sirènes de la réunification, s’ajoutent à la liste. Les responsables américains, qui évoquaient franchement la nécessité de  » contenir  » Bonn, disposaient dans l’OTAN d’un instrument indispensable [18].

L’un des traits distinctifs de l’imperium américain, contrairement au précédent britannique, était l’étroite imbrication des sphères économique, militaire et idéologique, présentées sous le nom de  » sécurité  » et vendues comme un bien public. L’OTAN a illustré cette évolution en liant les dépenses de défense aux revenus nationaux respectifs des États membres, surveillés dans les conclaves de l’alliance [19]. De l’hégémonie du dollar au commerce international, Washington n’a pas hésité à exploiter sa présence militaire pour exercer un effet de levier. Les menaces de retrait des troupes déployées à l’avant ont permis d’obtenir la coopération de l’Allemagne en matière de politique monétaire, tandis que les escalades périodiques contre l’URSS contrecarrèrent les accords bilatéraux conclus avec les Soviétiques au mépris du diktat américain. Les sanctions et les embargos contre le bloc de l’Est, envisagés pour la première fois comme une composante de la stratégie de l’OTAN lors de la  » deuxième crise de Berlin  » de 1961 – à la consternation des alliés – s’avéreront une question plus délicate pour les Européens, conscients qu’ils risquaient de souffrir le plus de leur impact. Au même moment, l’Europe – et l’OTAN – furent assez largement mis de côté lorsqu’il s’agit des théâtres  » chauds  » de la Guerre froide : de l’Océanie aux Caraïbes, en passant par le Vietnam et le Moyen-Orient, les Etats Unis préférèrent avoir les mains libres.

2. Les coups finaux de la Guerre froide

Les frictions interalliées, contenues tout au long de l’Âge d’or de l’hégémonie américaine, ont repris en intensité au cours des années 70, dans un contexte généralisé de ralentissement de l’économie mondiale et d’accroissement de l’agressivité de Washington. Sous Nixon, la Maison Blanche lia de manière toujours plus explicite les questions militaires aux questions économiques, tout en affirmant davantage son désir, selon les propres mots de Kissinger, conseiller à la Sécurité nationale, de « contrer l’Europe en utilisant l’OTAN.” [20]. La guerre du Kippour de 1973, fut l’occasion pour la Maison-Blanche de procéder unilatéralement à une escalade nucléaire sans même prétendre consulter ses alliés (ceux-ci en furent « informés” après coup), ce qui eut pour conséquence d’enrager les dirigeants Européens. Ceux-ci refusèrent ensuite les demandes américaines de transporter les fournitures militaires de l’OTAN « hors de son périmètre », à destination d’Israël. « En l’état des choses », déplorait Kissinger, « les Européens bénéficient d’une défense gratuite et ne donnent rien en retour. » Il ajoutait : « Ils sont comme des adolescents ; ils veulent qu’on s’en occupe et, dans le même temps, veulent dégager leurs parents.[21]”.

Menacés d’abandon, les subordonnés les plus bellicistes s’alignèrent rapidement. Cette période vit aussi l’émergence de divers think tanks, cercles et conseils consultatifs liés à l’OTAN pousser comme des champignons. Ces derniers firent partie intégrante de l’offensive atlantiste ranimée à la fin des années 70, quand les progrès de l’Ostpolitik ouest-allemande inquiétèrent, puis lancèrent une coalition de faucons néoconservateurs et de néolibéraux en croisade contre le « neutralisme », vu comme un présage de la « finlandisation » du continent. Initiée par l’US Information Agency (USIA) puis rejointe par la National Endowment for Democracy (NED), la guerre psychologique menée par les Etats-Unis – décrite tout en euphémismes comme de la « diplomatie publique »- obtint des relais dans des institutions comme l’Atlantic Council ou la Fondation Ford, qui travaillaient les élites européennes [22].

Les successeurs de Kissinger varièrent dans la forme, mais pas dans le fond. Les Etats-Unis ne prétendraient désormais plus être les bienfaiteurs désintéressés du capital mondial. La révocation du traité de Bretton Woods et l’institution du dollar comme monnaie-étalon furent suivies d’une pression brutale sur les taux de change allemands et japonais, jusqu’à la ratification des accords de Plaza en 1985 [23]. La reprise des tensions entre les superpuissances confirma cette tendance. Sous Reagan, l’OTAN déploya des missiles de croisière et des Pershing II en Europe occidentale, censément dans le but d’apaiser les inquiétudes quant aux velléités des Etats-Unis de déclencher un Armageddon nucléaire en réponse à une offensive des forces du pacte de Varsovie eut l’effet tout contraire, suscitant un mouvement de protestation massif et l’éveil d’un remuant mouvement pour la neutralité. A la fin des années 80, les contradictions au sein du camp occidental et le vent de réformes à Moscou, où Mikhaïl Gorbatchev évoquait une « maison commune européenne », semblait annoncer la fin à la fois de la guerre froide et du jeu d’alliance bipolaire qu’elle avait engendré.

L’OTAN pouvait affirmer, au tournant de la décennie, avoir triomphé dans le conflit Est-Ouest « sans tirer un seul coup de feu. [24]”. Les positions défensives en Europe ne furent jamais testées, et les spéculations sur leur effet dissuasif restèrent purement de l’ordre de l’hypothèse. Ailleurs, les aventures américaines – bien sanglantes, quant à elles – furent poursuivies en dehors du cadre de l’alliance. L’arsenal nucléaire américain était plus grand encore. Les Euromissiles, explicitement conçus à des desseins de guerre économique, contribuèrent à l’épuisement de l’URSS. Pendant ce temps, la dépendance britannique vis-à-vis des Etats-Unis pour ses systèmes Trident lancés par sous-marins, ainsi que les manoeuvres françaises pour trouver une juste position, donnèrent à Washington un outil clé en main pour empêcher le rapprochement de Londres et de Paris, concrétisant la menace de Kissinger « d’éclater les Européens. [25] » La dissuasion élargie, ainsi conçue, visa tous azimuts. L’acceptation de la Bombe, synecdoque de l’OTAN elle-même, joua un rôle supplémentaire, en tant que condition sine qua non de l’exercice du pouvoir politique dans le périmètre Atlantique Nord.

Cela indique un critère encore plus significatif : si la capacité militaire de l’alliance n’avait pas été éprouvée et que son emprise idéologique demeurait contestée, leurs usages en tant qu’instruments du contrôle et de la gestion étaient considérables, institutionnalisant la maîtrise américaine du littoral eurasien, le pivot du pouvoir mondial. Les partenaires juniors comprirent que leur enrôlement avait un coût : souveraineté « diluée », politique étrangère déléguée et risque de guerre nucléaire [26]. Un prix que les classes dirigeantes européennes semblaient prêtes à payer.

3. S’étendre ou disparaître

Longtemps, les chercheurs en sciences politiques se sont interrogés sur le maintien de l’OTAN après la dissolution de son rival déclaré. Cependant, du côté des cercles dirigeants, des plans avaient d’ores et déjà été élaborés depuis plusieurs décennies [27] pour non seulement préserver l’alliance militaire, mais aussi pour élargir son assise. Deux conseillers de George H. W. Bush se rappelaient de la sorte, au début des années 90, que la chute du Mur n’avait pas modifié les motifs du maintien des forces américaines en Europe. Ces forces étaient devenues vitales pour les projections de la puissance américaine ailleurs, notamment au Moyen-Orient, et servaient avant toute chose de base pour garantir la place centrale des États-Unis dans le jeu politique européen [28].

Une fois cela réglé, le souhait principal de Washington face aux soubresauts agitant le Vieux Continent était de s’assurer que les Allemands n’acceptent ni la neutralité, ni ne renoncent à la présence d’armes nucléaires américaines sur leur territoire en garantie de la réunification [29]. Le succès de cette entreprise, accomplie dans la forfaiture et la corruption, créa l’enthousiasme chez les négociateurs américains [30]. Bush, satisfait, ne prit donc même pas la peine d’assister à la cérémonie officielle d’Anschluss de la République démocratique allemande. Dès le début, il était clair que la RDA ne serait pas le dernier pays du Pacte de Varsovie à rejoindre l’OTAN. Seuls restaient incertains le calendrier et l’ampleur de cet élargissement. Mise en action par l’administration Bush, cette politique était motivée à la fois par la volonté de profiter de la position de faiblesse de la Russie et par celle d’empêcher qu’un accord européen de sécurité ne vienne compromettre l’hégémonie américaine [31]. Des détails plus sophistiqués seront ajoutés au fil du temps, au fur et à mesure que les dirigeants trouveront opportun d’invoquer des « valeurs » communes, les demandes des pays d’Europe centrale et orientale, la démocratie, etc. Aucun ne figurait dans le choix primordial.

La guerre éclair du Golfe, en 1991, parut être une revanche pour un establishment sécuritaire américain toujours marqué par le fiasco vietnamien. Les stratèges du Pentagone redessinèrent avec difficulté la carte de leur toute-puissance retrouvée. Ainsi, le projet du Defense Planning Guidance de l’administration Bush en 1992 situait les intérêts américains dans un arc reliant le détroit de Bering à la Corne de l’Afrique. Au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Ouest revenait naturellement l’accès au pétrole, tandis que l’Asie de l’Est et l’Europe de l’Ouest devaient être gardées sous surveillance pour prévenir l’émergence d’un quelconque compétiteur régional. Quant aux anciens pays de l’Est, ils devaient être intégrés à l’Union européenne [32]. Ce document, ayant fuité l’année précédant les élections, provoqua la condamnation unanime des candidats de la primaire démocrate. Joseph Biden, alors sénateur, s’indigna de ce qu’il décrivit comme « littéralement une Pax Americana. [33]” Craignant de heurter les sensibilités de Berlin et de Tokyo, l’administration Bush dut finalement se résoudre à répudier son propre plan. Bien que transgressif par la crudité de son propos, le DPG n’était en réalité que le reflet de vérités qui guidaient la puissance américaine depuis déjà longtemps. Bien qu’abjurée, cette vision a d’ailleurs continué à prévaloir auprès des administrations présidentielles successives, quelles que soient leurs affiliations partisanes.

Comme le concluait un rapport de la CIA de janvier 1992, les États-Unis bénéficiaient toujours de « cartes fortes à jouer » sur le « front militaire ». L’OTAN servait de garantie contre la résurgence d’une quelconque bellicosité de la Russie ou contre les ambitions trop fortes de l’Allemagne. C’était donc une ressource inestimable pour obtenir « un accord européen adéquat » aux « décisions économiques d’un intérêt vital pour Washington. [34] »

L’Allemagne, confrontée aux inquiétudes concernant son poids post-réunification, ne tarit pas d’éloges sur l’alliance. En juin de cette année-là, leur ministre des Affaires étrangères, Klaus Kinkel, offrit son soutien aux États-Unis contre les objections françaises dans la phase finale de négociations du Cycle d’Uruguay portant sur le GATT. Forts de cette victoire, les dirigeants américains se laissèrent aller à un franc-parler impensable jusque dans les cercles atlantistes du vieux continent. « L’OTAN », affirma le Sénateur Richard Lugar en août 1993, irait « hors de son périmètre, ou serait hors jeu », la participation pleine et entière au « marché international » nécessitant « un degré de stabilité et de sécurité que seuls la puissance et le leadership américains peuvent fournir. [35]

L’arrivée au pouvoir de Bill Clinton au début de l’année ne marqua pas de rupture essentielle dans la continuité des affaires étrangères américaines. Si l’administration de l’ancien gouverneur de l’Arkansas annonça un changement de priorité, pour passer de la puissance politico-militaire à une « diplomatie économique », voire à la « géo-économie », la force armée conservait malgré tout sa place. À peine un an après son investiture, des F-16 pilotés par des Américains abattirent quatre chasseurs-bombardiers serbes de Bosnie, afin de faire respecter la zone d’exclusion aérienne protégeant le ciel bosnien. Pour la première fois en quarante-cinq ans d’existence, une mission de combat était menée sous le drapeau de l’OTAN. L’opération Deny Flight, lancée en avril 1993, avait déjà marqué le premier déploiement des forces de l’OTAN hors de son périmètre, ouvrant la voie à des interventions plus lointaines encore. Impopulaire dans son propre pays, et allant à l’encontre des efforts de négociation franco-britanniques, la campagne aérienne a néanmoins satisfait des interventionnistes comme le secrétaire adjoint à la Défense, David Ochmanek, qui soulignait justement la nécessité d’une initiative pour empêcher un règlement européen du conflit. L’OTAN, « une source essentielle d’influence américaine », correspondait parfaitement. « Si nous voulons une place à la table des négociations quand les Européens décident de commerce ou de réglementation financière, » écrivait Ochmanek dans un mémorandum, « nous ne pouvons pas prétendre que tous ces problèmes de sécurité en Europe ne nous concernent pas non plus. »

Le Général William Odom, récemment retraité de la National Security Agency (NSA), appuya cet argument : « Seule une OTAN forte avec une implication centrale des États-Unis peut empêcher l’Europe occidentale de dériver vers un chauvinisme étroit et sa régression finale, par rapport à son niveau actuel de coopération économique et politique. » Il ajouta : « L’incapacité à agir efficacement en Yougoslavie accélérera cette dérive. [36]« 

4. Elargir le Cercle

Durant un demi siècle l’Alliance Atlantique a supplanté, dans une mesure considérable, les défenses nationales en Europe de l’Ouest. Dans les années 1990, les responsables politiques américains redoutent la possibilité inverse, à savoir la  » renationalisation  » de celles-ci. Les connotations de cet épouvantail, omniprésent au cours de cette période, sont équivoques, passant des freins au commerce, aux rivalités militaires interétatiques et à la guerre. C’est l’interconnexion de ces maux, et le caractère holistique de leurs remèdes, qui distinguent l’idéologie mondialiste de l’ère Clinton. “Les concepts fondamentaux de l’Amérique – la démocratie et l’économie de marché – sont plus largement acceptés que jamais”, se réjouissait le conseiller à la sécurité nationale Anthony Lake en septembre 1993. L’émancipation de l’Europe de l’Est de la tutelle communiste a offert à l’administration un  » moment d’immenses opportunités démocratique et entrepreneuriale « . Le moment était venu de passer  » de l’endiguement à l’expansion [37]« . “Pendant la guerre froide”, déclarait Clinton une semaine plus tard, “nous avons cherché à contenir une menace à la survie d’institutions libres. Aujourd’hui, nous cherchons à élargir le cercle des nations vivant dans le cadre de ces institutions libres [38]”. En ce qui concerne ces  » nouvelles démocraties « , l’OTAN et la “thérapie de choc” faisaient partie du même traitement.

Rétrospectivement, il est remarquable que l’adhésion du trio de Visegrád [39] officialisée lors du sommet de Madrid en 1997, ait rencontré autant de résistance aux Etats-Unis. Le Congrès s’est montré assez souple, mais un certain nombre de poids lourds de l’establishment ont exprimé leur mécontentement, notamment le secrétaire à la défense, qui craignait de s’aliéner la Russie. Les différends portaient principalement sur où et quand l’alliance devait s’entendre, et non sur son objectif en tant que tel. Les inquiétudes du Kremlin ont finalement été écartées, et Clinton a qualifié d' » idiotes  » les craintes d’une réaction russe [40].

De multiples considérations ont présidé à la poussée vers l’Est, indépendamment des intrigues électorales et des lubies des uns et des autres. Tout d’abord, l’OTAN a rappelé à l’Union Européenne fraîchement rebaptisée et bientôt dotée de sa propre monnaie, la logique de la primauté US. Elle s’est engagée à contenir l’hégémonie de l’Allemagne en Europe centrale, éternel loup-garou de la géopolitique du continent. De même, sa puissance militaire constituait une garantie contre une Russie potentiellement résurgente, qui serait impossible à dompter par des moyens purement économiques. Enfin, le Drang nach Kiev laisse entrevoir la juteuse perspective d’un corridor polono-ukrainien vers la mer Noire, ouvrant la voie aux richesses de la Caspienne et de l’Asie centrale [41]. Telle était la  » récompense  » envisagée par Zbigniew Brzezinski, principal théoricien de l’expansion de l’OTAN et mentor de Madeleine Albright, ministre des affaires étrangères de l’époque [42]. L’Ukraine, en tant que  » pivot géopolitique  » eurasiatique, occupait une place centrale dans manuel de Brzezinski pour la domination américaine en Europe, il prévoit qu’avec le temps, elle serait elle aussi intégrée à l’Alliance Atlantique, cela peut-être entre 2005 et 2015 [43]. Mais il était inutile de prétendre que cette éventualité laisserait la Russie indifférente, l’adhésion de l’Ukraine poserait obligatoirement la question de savoir si Moscou était prête à accepter les bénédictions de la civilisation occidentale ou bien était condamné à l’hostilité et à l’isolement.

“ Pour utiliser une terminologie qui renvoie à l’âge le plus brutal des anciens empires « , écrit Brzezinski, “les trois grands impératifs de la géostratégie impériale sont d’empêcher la collusion et de maintenir la dépendance sécuritaire entre les vassaux, de garder les tributaires dociles et en sécurité, et d’empêcher les barbares de s’unir [44]”.

L’OTAN a célébré l’entrée de la République tchèque, de la Hongrie et de la Pologne en 1999, à l’occasion de son cinquantième anniversaire, alors que les avions de guerre de l’Alliance atlantique bombardaient la Yougoslavie.

“J’ai soutenu très fermement l’expansion de l’OTAN”, dit Clinton qui ajoute, “et j’ai soutenu l’idée que les États-Unis, le Canada et nos alliés européens devaient relever les nouveaux défis sécuritaires de l’Europe du 21ème siècle, y compris tous ces bouleversements ethniques à leurs frontières. Pourquoi ? Parce que si cette politique intérieure doit fonctionner, nous devons être libres de la mettre en œuvre. Et si nous voulons un partenariat économique fort, cela incluant notre capacité à faire du commerce dans le monde entier, l’Europe doit en être un élément clé. Et si nous voulons des partenaires qui partagent le fardeau de notre leadership, face aux problèmes qui surgiront inévitablement, l’Europe doit être notre associée. C’est de cela qu’il s’agit dans l’affaire du Kosovo [45]”.

 

Cette campagne militaire renouvelait encore la suzeraineté américaine et coïncidait en l’occurrence avec l’avènement de la monnaie européenne commune. Le sociologue allemand Ulrich Beck s’est laissé aller à espérer que “le Kosovo pourrait être notre Euro militaire, créant une identité politique et de défense pour l’Union européenne de la même manière que l’Euro est l’expression de son intégration économique et financière [46]”. Lorsque l’opération Deliberate Force s’est achevée, une conclusion inverse s’est imposée : ce n’est pas la “crédibilité” de l’OTAN ou encore moins une identité distincte de l’UE qui s’est trouvée renforcée par les événements mais bien le leadership des Etats-Unis [47].

Les problèmes pratiques au sein de l’alliance, mis en lumière en Serbie par le monopole américain sur le choix des cibles et les faiblesses opérationnelles claires des alliés européens dépendants des États-Unis pour le ravitaillement en vol, le renseignement électronique et le “command-and-control”, ont été rapidement réglés. Les États-Unis ont toujours capitalisé sur leur supériorité matérielle et technologique, incarnée par leur arsenal nucléaire, pour imposer une division du travail militaire au sein de l’alliance. Selon cette conception, les alliés devaient maintenir l' »interopérabilité » avec l’arsenal américain tout en fournissant des troupes sur demande. Les généraux américains déploraient les lacunes des Européens sur le champ de bataille, mais ils s’efforçaient en même temps de les exacerber, faisant pression sur les armées alliées pour qu’elles exécutent des missions d’expédition d’infanterie légère ou de surveillance en tant que  » gardiens de la paix [48]“. Inciter l’Europe à contribuer davantage à sa propre défense (“partage du fardeau”) n’excluait en rien des limites strictes au champ d’action de toute armées issues de pays de l’UE, interdite de “doublonner” les capacités existantes de l’OTAN, de “discriminer” les membres de l’alliance n’appartenant pas à l’UE ou tout autre signe de “découplage” par rapport à l’Amérique. Mme Albright a détaillé ces “trois D” dans un discours prononcé en 1998 à Haren, où elle a décrit la coordination militaire européenne naissante comme “une façon très utile d’envisager le partage du fardeau [49]”. Les projets de création d’une Force de Réponse Rapide (FRR) avec sa propre chaîne de commandement européenne et un état-major, annoncés par les ministres de la défense de l’UE à l’approche d’un sommet de décembre 2000 à Nice, ont suscité une réponse rapide : lors d’une réunion de l’OTAN à Bruxelles, le secrétaire américain à la Défense, William Cohen, a clairement indiqué que cette initiative signifierait la dissolution de l’alliance. Les États-Unis jouissaient d’un droit de refus sur toute opération impliquant du personnel ou du matériel assigné à l’OTAN, ce qui équivalait à un pouvoir de veto général. Washington préférait un cache-sexe multilatéral pour les interventions américaines plutôt que des moyens de puissance dure échappant à une “supervision adulte [50]”.
Les structures de commandement intégrées offraient un avantage supplémentaire du point de vue des États-Unis, car les officiers alliés qui y étaient assignés—impressionnés par leurs sessions d’entraînement aux États-Unis, désireux de promotion, admirateurs des équipements de pointe, à l’affût de retombées budgétaires chez eux—pouvaient être considérés comme un bastion de fidélité atlantiste [51].

Pour tous, le chambardement de transformations et d’adaptations, l’OTAN dans les années 1990 portait des signes incontestables de continuité. Comme pendant la guerre froide, l’alliance cherchait à assurer l’hégémonie américaine en Europe par la subordination d’une Allemagne désormais unifiée, le déclassement d’une Russie affaiblie, le stationnement avancé de forces et de matériel militaire jusqu’aux frontières de l’ancienne URSS, et la fabrication d’une couverture idéologique pour des entreprises proches ou lointaines. Sur tous les plans, la décennie a enregistré des succès. Bien que n’étant pas officiellement une opération de l’OTAN, Tempête du Désert, réalisée avec le consentement de Moscou, à peine un an avant l’effondrement soviétique, a posé des jalons. La destruction télévisée qui s’est abattue sur Bagdad sous la bannière de la  » communauté internationale  » était l’héritière légitime du Monde Libre. Les attaques hors zone contre les Serbes de Bosnie et la République fédérale de Yougoslavie, la seconde sans mandat de l’ONU, étaient censées redorer le blason de la  » guerre humanitaire  » éprouvée dans les sables d’Irak.

Pourtant, si l’engagement dans les Balkans a freiné les velléités de puissance indépendante en Europe, l’OTAN a eu une part de responsabilité dans le carnage qui a suivi et les fortunes de sa Force du Kosovo (KFOR) ont été mitigées. Même les nouveaux alliés ont vacillé. Les Tchèques, jugés insuffisamment  » informés  » pour voter sur l’entrée dans l’alliance deux ans plus tôt, ont récidivé, annulant les gains d’une campagne de relations publiques intensive coordonnée par le Bureau de presse et d’information de l’OTAN à Bruxelles. En Ukraine, le premier des pays de la CEI à rejoindre le Partenariat pour la Paix (PfP), une concession à l’angoisse russe face à l’expansion et une antichambre à l’adhésion pour les États d’Europe centrale et orientale, le parlement a fermement condamné la guerre aérienne contre Belgrade et voté une résolution pour réacquérir des armes nucléaires. Brzezinski était attentif au risque que Kiev préfère négocier un concordat avec la Russie.  » Dans un tel cas, lorsque l’Occident devrait choisir entre une Ukraine démocratique ou indépendante « , remarqua-t-il avec la franchise habituelle,  » les intérêts stratégiques—et non les considérations démocratiques—doivent déterminer la position occidentale [52]« .

5. Marche vers l’Est

Au début du nouveau millénaire, l’OTAN a activé pour la première fois l’article 5 — sa clause de défense collective, pierre angulaire du Traité de 1949 — en réponse à la destruction du World Trade Center. Initialement snobée par les commandants américains, indisposés par les querelles dans les Balkans et réticents à  » faire la guerre par comité « , l’aide des alliés fut finalement accueillie pour administrer l’occupation de l’Irak ainsi que de l’Afghanistan [53]. En Europe, le tournant du millénaire a vu une réorientation plus large, l’élargissement continu militant en faveur de l’atlantisme.  » Si vous regardez l’ensemble de l’Europe de l’OTAN aujourd’hui « , a noté le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld à la veille de l’invasion de 2003,  » le centre de gravité se déplace vers l’est [54] “. Les plaintes de Paris et de Berlin au sujet du style pompeux du jeune Bush n’ont pas entravé les préparatifs concomitants d’une autre vague d’expansion de l’OTAN et de l’UE l’année suivante. Le mois où Rumsfeld a fait ses remarques, l’ensemble des sept pays ayant prévu d’intégrer ces organisations — la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et les États baltes — ont publié une déclaration de soutien à l’invasion anglo-américaine de l’Irak, tout comme les trois membres du groupe de Visegrád. La France et l’Allemagne se sont alignées rapidement, fournissant un soutien logistique et une couverture diplomatique [55]. Les divisions autour du fracas en Mésopotamie ne doivent pas être surestimées.  » L’Europe reste essentielle au maintien d’une présence avancée des forces militaires américaines « , a expliqué Ian Brzezinski, secrétaire adjoint à la Défense, fils de l’ancien conseiller à la sécurité nationale, en mars 2003. En fait, il a ajouté,  » les forces américaines déployées en Europe ont été parmi les premières à se positionner dans la guerre contre l’Irak, assurant non seulement la sécurité de l’Amérique, mais aussi celle de l’Europe [56]« .

Lorsque Bush a exhorté à inviter la Géorgie et l’Ukraine à rejoindre l’alliance lors du sommet de Bucarest de 2008, les dirigeants français et allemands se sont opposés à un Plan d’action pour l’adhésion (MAP ou Membership Action Plan)  » accéléré « , mais ont co-signé une déclaration de compromis promettant que les deux anciennes républiques soviétiques  » deviendraient membres de l’OTAN « . Le sommet, destiné à célébrer le retour de la France à une adhésion pleine et entière, a été sauvé d’une descente dans des querelles indécentes [57]. La poussée vers l’avant de l’Alliance contre la Russie a pris de l’ampleur au cours du premier mandat de George W. Bush, avec le retrait unilatéral du Traité anti-missiles balistiques en 2002 suivi d’un soutien secret à la “Révolution Orange” ukrainienne en 2004 et d’une accélération de l’agrandissement de l’OTAN [58]. L’Ukraine, expliquait Richard Holbrooke, figure incontournable des différentes administrations démocrates et  » envoyé spécial  » omniprésent, faisait partie de “notre zone de sécurité centrale [59]”. “Pourquoi seulement l’Ukraine ?”, demandait un chroniqueur du Washington Post.  » L’Occident veut achever le travail commencé lors de la chute du mur de Berlin et continuer sa marche vers l’Est » [60].

Au sein du département d’État, des avertissements raisonnaient depuis un certain temps contre cette provocation gratuite du Kremlin, qui pourtant facilitait admirablement les opérations en Afghanistan et reconnaissait l’absorption par l’OTAN des États baltes avec un sang-froid inattendu. L’économie russe s’était stabilisée sous Poutine et le pays n’était plus l’épave qu’il avait semblé être dans les années 1990. Quelques mois avant le rassemblement de Bucarest en 2008, l’ambassadeur à Moscou William Burns a émis une série de câbles vigoureux sur le sujet. Il a réitéré ses préoccupations dans un courriel envoyé en février à la secrétaire d’État Condoleezza Rice :

L’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN est la ligne la plus rouge de toutes pour l’élite russe (pas seulement pour Poutine). En plus de deux ans et demi de conversations avec des acteurs clés de la Russie, des grognards des recoins sombres du Kremlin aux critiques libéraux les plus affûtés de Poutine, je n’ai encore trouvé personne qui considère l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN autrement que comme un défi direct aux intérêts russes. À ce stade, une offre de MAP serait perçue non pas comme une étape technique sur la longue route vers l’adhésion, mais comme une provocation stratégique. La Russie d’aujourd’hui réagira. Les relations russo-ukrainiennes entreront dans un grand froid. Cela créera un terrain fertile pour l’ingérence russe en Crimée et dans l’est de l’Ukraine [61].

 

De tels scrupules ont échoué à faire bouger la Maison-Blanche, qui a loué l’aide de Kiev à la Force de mise en œuvre en Bosnie (IFOR), à la KFOR — elle a formé un bataillon conjoint avec la Pologne (UkrPolBat) — et à la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) en Afghanistan, sans oublier la coalition dirigée par les États-Unis en Irak.  » L’Ukraine est le seul pays non-membre de l’OTAN à soutenir toutes les missions de l’OTAN « , a déclaré Bush avec satisfaction lors d’une visite en avril 2008 [62].

En 1995, le Conseil de l’Atlantique Nord avait approuvé l’accord de Partenariat pour la paix de l’Ukraine, et elle s’est lancée dans des manœuvres et exercices conjoints — pas moins de 469 à la fin de la décennie — avec une vigueur inégalée [63]. À partir de 1997, ceux-ci incluaient les exercices navals récurrents  » Sea Breeze « , dans la mer Noire, au grand dam de Moscou et les protestations périodiques des habitants de la Crimée. En 2000, un exercice d’entraînement particulièrement provocateur (un des 200 de cette année-là) s’est tenu dans la partie orientale de la péninsule, “Cossack Steppe-2000”, avait pour prémisse la suppression d’une “rébellion ethnique” soutenue par la Russie dans la région. Les liens militaires et politiques avec l’OTAN se sont renforcés à partir de 1997, avec la signature d’une “Charte sur un partenariat distinctif”, établissant un mécanisme consultatif de réponse aux crises et élargissant le champ de la coopération dans les relations civilo-militaires, la planification de la défense et l’acquisition d’armements [64].

Ce même printemps, un Centre d’information et de documentation de l’OTAN s’est installé à Kiev. Des échanges ont rapidement commencé entre l’Académie nationale de défense ukrainienne, le Collège de défense de l’OTAN à Rome et la l’académie opérationnelle SHAPE à Obergammergau [65]. Tout cela sans trop de considération pour l’opinion publique ukrainienne, qui était largement opposée à l’adhésion à l’OTAN au moment du sommet de Bucarest, ni pour les errements des leaders politiques à Kiev, qui oscillaient entre l’Ouest et l’Est [66].

Prétentieusement, en août 2008, peu après que Bush ait lancé l’idée que la Géorgie était également sur la voie de l’adhésion à l’OTAN, le président Mikheil Saakashvili a commencé à bombarder la région séparatiste de l’Ossétie du Sud contrôlée par la Russie, provoquant une contre-attaque féroce. L’entraînement militaire conjoint entre les États-Unis et la Géorgie en juillet, sous les auspices de l’exercice “Immediate Response 2008” de l’OTAN, tout comme une visite à Tbilissi d’un conseiller principal du vice-président Cheney à l’approche de l’attaque ont soulevé des questions sur la possibilité que Saakashvili ait reçu les encouragements américain [67].

Quelle qu’en soit la cause, une russophobie bipartisane a dominé une grande partie du cycle électoral américain de 2008, le candidat républicain John McCain proposant que des forces de combat de l’OTAN soient déployées directement en Géorgie, tandis que les éminences démocrates Brzezinski et Strobe Talbott appelaient à ce que la Russie soit exclue de l’Organisation mondiale du commerce et expulsée du G8. Robert Kagan, conseiller de McCain, a vu dans l’affrontement russo-géorgien rien de moins que le “retour de l’Histoire” [68]. “Les détails des actions de chacun”, a commenté Kagan, “ne sont pas très importants”. Les illusions d’une Europe pacifiée, post-historique, cédaient à des préceptes plus anciens. Le réarmement était à l’ordre du jour.

6. Vers L’Afrique

La victoire des démocrates aux élections de 2008 a laissé les perspectives de Washington inchangées dans leurs fondements. Obama, qui s’était présenté comme un critique de l’imbroglio irakien, a fortement intensifié l’opération de l’OTAN en Afghanistan. Plus douce à l’égard des dirigeants européens que son prédécesseur, il a adopté un point de vue non moins cru sur leur vanité et leur impuissance. Au début de la présidence Obama, un rapport du German Marshall Fund a critiqué les réflexes de  » re-nationalisation  » encore vifs en Europe, manifestés non seulement dans les débats sur la poussée de l’OTAN dans l’ex-URSS – révélant la persistance  » d’objectifs de défense nationaux plutôt que collectifs  » – mais aussi sur le terrain en Afghanistan, où les règles d’engagement légalistes de la Bundeswehr (assouplies peu de temps après) ont suscité des moqueries [69].

Dans ces circonstances, le blitz de l’OTAN sur Tripoli en 2011 a été perçu comme un sauvetage de la guerre de coalition sous le drapeau de l’humanisme. Dix ans plus tôt, écrivaient le SACEUR James Stavridis et l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’Alliance, lors de la guerre de l’OTAN au Kosovo, les États-Unis étaient responsables du largage de quatre-vingt-dix pour cent de toutes les munitions guidées avec précision. En Libye, les proportions étaient inversées [70]. Le petit Danemark et la Norvège ont à eux seuls détruit autant de cibles que la Grande-Bretagne. La Suède a aussi participé comme le Qatar. Dans un audit plus complet, six mois après la fin de l’opération Unified Protector, le 31 octobre 2011, les mêmes auteurs saluaient une « intervention modèle ». Non seulement l’OTAN avait réussi « à tous points de vue », mais elle l’avait fait pour une bouchée de pain, avec un coût de seulement 1,1 milliard de dollars pour les contribuables américains, qui souffraient de la Grande Récession – rien à voir avec les sommes dépensées dans les Balkans, en Irak et en Afghanistan – et sans qu’un seul soldat n’ait été perdu au combat [71]. Obama a par la suite fait remarquer que l’opération elle-même  » faisait partie de la campagne anti-free-rider « , un effort visant à contraindre les autres États de l’OTAN à faire leur juste part ; sur cette base, les Américains pouvaient se féliciter [72]. La prise de décision interalliée avait également été moins controversée qu’en 1999. Aujourd’hui, les commandants américains privilégient la destruction des « cibles molles » et des infrastructures civiles, tandis que les forces aériennes françaises et européennes privilégient la tâche plus difficile de « plomber » les véhicules blindés et l’artillerie [73]. Les forces spéciales britanniques et américaines, aidées par des avions de guerre électronique, ont collaboré pour localiser avec précision le chef d’État libyen, Mouammar Kadhafi, qui a été capturé par des miliciens rebelles et assassiné sur-le-champ. Certes, des nuages sont venus assombrir ce tableau autrement rose. Une majorité de membres de l’OTAN a refusé de participer au renversement de Kadhafi. L’Allemagne, notamment, s’est abstenue de voter sur la résolution correspondante du Conseil de sécurité des Nations unies et a refusé d’engager ses forces armées, bien qu’elle ait fourni des armes et se soit portée volontaire pour intensifier les sorties au-dessus de l’Hindu Kush en guise de compensation. Au-delà de l’OTAN, la guerre en Libye a constitué un point de bascule. La Chine et la Russie, après avoir accédé aux demandes américaines de ne pas opposer leur veto à l’approbation de l’ONU qui sous-tendait l’expédition en Libye, ont été agacées par la transformation d’une entreprise prétendument humanitaire en une expérience de changement de régime. L’année suivante, les deux puissances ont bloqué les tentatives d’obtention d’une licence équivalente pour renverser le gouvernement syrien. La Turquie, ambivalente quant à l’éviction de Kadhafi, a demandé en vain une intervention de l’OTAN contre son voisin baasiste ; le refus (les États-Unis préférant des moyens par procuration ou clandestins) a incité Ankara à rechercher un rapprochement momentané avec Moscou, un va-et-vient destiné à déstabiliser le théâtre des opérations.

Les guerres du Grand Moyen-Orient ont fait couler le sang des soldats de l’OTAN qui jusque-là n’avaient pas participé aux campagnes dans les Balkans et aux missions de « maintien de la paix » qui y étaient associées. Néanmoins, alors que la guerre mondiale contre le terrorisme entrait dans sa deuxième décennie, l’alliance a enregistré une impasse militaire et idéologique de Zuwara à Helmand, tandis que Washington se concentrait de plus en plus sur le Pacifique. La guerre prolongée et impopulaire au Moyen-Orient, associée aux révélations en 2013 sur l’espionnage de la NSA contre les alliés américains et sur une campagne secrète d’assassinats en Afghanistan, a refroidi le soutien à l’OTAN en Allemagne et dans d’autres pays. Mais l’avancée sur trois fronts dans les Balkans (Albanie et Croatie), sur la mer Noire (Roumanie, Bulgarie) et dans les États baltes ex-soviétiques a été un réconfort. L’expansion à l’Est, en tirant les équerres de l’UE vers l’arrière, représentait un coup d’éclat hégémonique. Le service sous commandement unifié, quelle que soit l’utilité des unités engagées, a permis de diffuser des modes de pensée communs dans les armées alliées, tout comme il a donné aux nouveaux États membres post-soviétiques l’occasion de se distinguer de « l’axe de la pétulance » de l’Ancien Monde [74].

Pour les capitales occidentales et les élites locales aux vues similaires, la candidature elle-même, formalisée dans le processus de cartographie après le premier cycle d’expansion, a révélé une multitude de mécanismes permettant d’intervenir dans les affaires des futurs alliés, depuis la promotion de la « bonne gouvernance », la collaboration avec les ONG et les réformes économiques jusqu’à la rédaction de textes législatifs. S’il y avait un « paradoxe » dans cette promotion non démocratique des « normes démocratiques », il était pardonnable [75]. L’expansion a également apporté des gains territoriaux concrets, en élargissant l’éventail déjà mondial des bases et des centres logistiques américains. Mais sa dynamique – et la promesse de futurs pactes – a accéléré la confrontation longtemps attendue avec la Russie, désormais sortie de son creux post-soviétique. La crise en Ukraine à la fin de l’année est arrivée comme une divine surprise.

Alors que les manifestations de Maïdan contre le président ukrainien Ianoukovitch semblaient se terminer par un accord sur des élections anticipées, elles ont reçu un coup de pouce inattendu : des tirs de snipers, dont l’origine est toujours contestée, ont légitimé la prise d’assaut des bâtiments gouvernementaux, mettant Ianoukovitch en fuite. Alors que Victoria Nuland, du département d’État, et ses collègues désignaient les dirigeants du nouveau gouvernement ukrainien, les hommes en vert de Poutine se matérialisaient devant les bâtiments des gouvernements régionaux en Crimée et les contre-Maïdans rassemblaient leurs forces dans le Donbass, avec le soutien de la Russie [76].

7. S’étendre vers la Russie, viser la Chine

L’abandon formel par l’OTAN de toute prétention à la complaisance à l’égard de Moscou, annoncé lors du sommet du Pays de Galles de septembre 2014, a marqué le vingtième anniversaire du PPP. Lors de sa réunion à Newport, l’alliance a adopté un « plan d’action sur l’état de préparation » prévoyant le stationnement semi-permanent de brigades de combat en Pologne et dans les États baltes, au mépris de l’Acte fondateur de l’OTAN-Russie de 1997, ainsi que le prépositionnement de matériel. Les planificateurs militaires considèrent la brèche de Suwałki, un corridor de 65 kilomètres de large entre la Biélorussie et Kaliningrad, comme un champ de bataille potentiel. La Finlande et la Suède, neutres en principe, ont conclu un protocole d’accord collectif avec l’OTAN, permettant aux forces de l’Alliance d’opérer en dehors de leur territoire, et l’Alliance s’est engagée à redoubler son « assistance militaro-technique » à l’Ukraine [77].

Le sommet du Pays de Galles a également coïncidé avec une série de réunions entre des représentants russes, ukrainiens, français et allemands au Belarus, afin de négocier la fin des combats dans le sud-est de l’Ukraine. Pourtant, bien avant la signature des accords de Minsk, une puissante coterie de faucons américains s’est employée à contrecarrer le compromis avec Moscou. Avec le déclenchement des hostilités dans le Donbass au printemps 2014, le commandant suprême allié Philip Breedlove a pris la position de pointe en sonnant l’alerte d’une offensive imminente et généralisée depuis l’est. Conseillé par Wesley Clark, un autre ancien chef de l’OTAN, et par un réseau d’agents néoconservateurs dans l’orbite de Nuland, Breedlove a conspiré pour saper la diplomatie et inciter la Maison Blanche à équiper les forces armées ukrainiennes en vue d’une lutte prolongée [78].

Pour le parti de la guerre, l’escalade allait de soi. Pour le parti de la guerre, l’escalade allait de soi. Une action décisive permettrait non seulement d’ébranler la Russie et de contrer les ambitions allemandes dans la région, mais aussi de signaler sa détermination à Pékin. La Chine surveille de près », a écrit Clark à Breedlove en avril 2014 :

La Chine aura quatre porte-avions et la domination sur le pacifique occidental dans cinq ans, si la tendance actuelle se poursuit. Et si nous laissons s’éloigner l’Ukraine cela pose définitivement la question des risques de conflit dans le pacifique. Puisque la Chine se posera la question de savoir si les États-Unis s’affirmeraient dans ce cas pour le Japon, la Corée, Taïwan, les Philippines, la mer de Chine méridionale ? . . . Si la Russie s’empare de l’Ukraine, le Belarus rejoindra l’Union eurasienne et, presto, l’Union soviétique (sous un autre nom) sera de retour. … Ni les pays baltes ni les Balkans ne résisteront facilement aux perturbations politiques engendrées par une Russie renaissante. Et que vaut une « garantie de sécurité » de l’OTAN contre la subversion interne ? … Les États-Unis devront alors faire face à une Russie beaucoup plus forte, à une OTAN qui s’effrite et à un défi majeur dans le Pacifique occidental. Il est beaucoup plus facile de [tenir] la ligne maintenant, en Ukraine, qu’ailleurs, plus tard [79].

Breedlove et ses associés se sont plaints de l’apparente réticence d’Obama à fournir du matériel plus avancé à l’Ukraine [80]. Au début de l’année, alors qu’un cessez-le-feu précaire se mettait en place, le général n’a cessé de mettre en garde contre une conquête prochaine du Donbass par la Russie, au grand étonnement des agences d’espionnage européennes. Le chef du renseignement militaire français s’est plaint que les sources américaines monopolisaient l’évaluation des menaces de l’OTAN, aggravant une tendance à l’inflation des prophéties [81]. Berlin était suffisamment irrité pour déposer une plainte auprès du Conseil de l’Atlantique Nord ; les diplomates allemands ont rapporté que chaque visite à Kiev de hauts commandants et politiciens américains laissait leurs homologues ukrainiens plus enthousiastes à l’idée de reprendre les oblasts séparatistes par la force [82].

Obama a refusé de fournir à l’Ukraine des armes anti-char malgré la clameur bipartisane du Congrès et le consensus qui prévalait au sein de sa propre administration, semble-t-il par peur de compromettre le soutien Allemand et Français aux sanctions à l’encontre de la Russie [83]. Ces sanctions, techniquement orchestrées par l’UE ont été votée à l’unanimité tous les six mois depuis 2014, une démonstration de “discipline de bloc”, qui selon les mots de Serguei Lavrov dénotent une discipline “plus stricte que celle qui existait dans l’organisation du pacte de Varsovie. [84]” Obama a toutefois accédé aux demandes des partisans de la ligne dure de renforcer la présence américaine sur le site d’entraînement de Yavoriv, à la frontière ukrainienne avec la Pologne, site d’exercices conjoints de l’OTAN depuis les années 1990. Son successeur à la Maison Blanche, tout en affirmant de manière hérétique que l’alliance était « obsolète » et que l’Ukraine n’était peut-être pas une priorité nationale, s’en est remis à la même coalition d’intérêts ; miné avant même son entrée en fonction par la connivence des démocrates avec les nationalistes ukrainiens, l’accord de Trump pour fournir des fgm-148 Javelins n’a pas empêché sa mise en accusation pour manque de rapidité dans leur livraison. L’indignation a accueilli ses commentaires désobligeants sur les impôts et les politiques commerciales des alliés à la veille d’un sommet de l’OTAN à Bruxelles en 2018, des plaintes exprimées par les dirigeants américains depuis des générations. La rhétorique, plus que la substance, s’est reflétée dans la façon cavalière dont le président a traité les engagements étrangers de l’Amérique. “Le fait de rabaisser ces engagements comme s’il s’agissait d’un racket de protection transactionnelle, a déploré le New Yorker, est corrosif et va à l’encontre du but recherché [85]”.

Une importante galaxie de think tanks défendait le point de vue otanopolitain dont le nombre avait cru en parallèle du concept de plus en plus vaste de sécurité, qui comprenait maintenant tout de la consommation d’énergies fossiles, à la préparation aux pandémies en passant par les médias numériques. Ils alimentent les médias atlantistes en informations privilégiées et en articles d’opinion. L’endiguement, on peut désormais l’admettre, n’a jamais vraiment enflammé l’imagination ; au mieux, il s’agissait d’un conseil de prudence, d’un message purement négatif. Les normes démocratiques, l’aggiornamento économique et la gouvernance mondiale ont produit un matériel plus énergisant. C’est cet idiome qui a animé les partisans de l’expansion de l’OTAN à partir des années 1990. Depuis le tournant des années 2010, l’attention s’est portée sur l’arène des menaces dites hybrides, où la  » désinformation  » occupe une place de choix [86]. Ce mot d’ordre, censé décrire les tentatives russes et chinoises d’influencer la politique des États occidentaux, est mieux compris comme un mécanisme permettant de contourner la diplomatie traditionnelle et de gonfler les menaces, justifiant l’augmentation des dépenses de défense et des  » partenariats public-privé  » dans des secteurs tels que la surveillance, l’intelligence artificielle et la cyberguerre. Ainsi, les Etats-Unis, en partie par l’intermédiaire d’organismes tels que le German Marshall Fund et l’Atlantik-Brücke à Berlin, l’International Institute for Security Studies et le Royal United Services Institute (RUSI) à Londres, et le Center for European Policy Analysis à Washington DC, exercent, dans une certaine mesure, l’influence extérieure la plus puissante sur la politique européenne. Ces centres sont complétés par une vingtaine de « centres d’excellence » de l’OTAN, des groupes de réflexion accrédités par l’alliance et dont les activités sont en phase avec les objectifs stratégiques de l’UE. Alors que Washington a opéré un « pivot » vers l’Asie sans laisser la Russie en dehors du collimateur, ses appareils idéologiques combattent la complaisance des alliés en parlant d’une nouvelle guerre froide.

Les analogies historiques pour ce qu’elles valent, peuvent moins être recherchées dans le gel entre les deux blocs au milieu du siècle que dans la crise de la détente des années 1970, catalysant ce que l’on a appelé la “deuxième guerre froide” [87]. L’offensive de Carter/Reagan a pris place dans une contexte de suprématie militaire et économique diminuée pour les États-Unis, ce qui a approfondi les contradictions au sein du camp occidental et a provoqué un éloignement du théâtre européen. Après une vague de protestations, ces années ont également été marquées par un remarquable revirement d’une grande partie de la gauche européenne, le sentiment antisoviétique l’emportant sur l’antipathie à l’égard de l’impérialisme américain. Les parallèles sont curieux, bien qu’involontaires, après deux décennies au cours desquelles les États-Unis ont unilatéralement dénoncé les accords de contrôle des armements datant de la guerre froide, depuis le sabordage de l’abm jusqu’à l’abrogation en 2019 de l’interdiction des forces nucléaires à portée intermédiaire (inf), l’accord qui a mis un terme à la crise dite des euromissiles [88]. A cet égard, l’enrôlement de nations alliées dans le face-à-face sino-américain est révélateur d’intentions stratégiques plus larges. En 2019, les pressions exercées par la Maison Blanche sur les alliés de l’OTAN pour qu’ils adoptent une attitude plus agressive à l’égard de Pékin ont provoqué une réponse indignée de Macron. Notre ennemi est-il aujourd’hui la Russie ? Ou la Chine ? » a-t-il demandé de manière rhétorique lors d’une conférence de presse. L’objectif de l’OTAN est-il de les désigner comme des ennemis ? Je ne le pense pas. [89] » Mais les événements ultérieurs ont rendu un verdict différent. Lors de son sommet de juin 2022 à Madrid, l’OTAN a pour la première fois officiellement placé la Chine (qualifiée de  » défi systémique « ) dans sa ligne de mire, au milieu des efforts déployés par les États-Unis pour  » tirer parti  » de l’action sur l’Ukraine afin d’obtenir un  » soutien plus concret pour ses politiques dans la région indo-pacifique [90]« .

Durant ces dernières années, les stratèges américains ont consciemment évoqué les tensions croissantes des années 1970, lorsque la raison pour laquelle les Européens étaient poussés à augmenter leurs dépenses dans le cadre de l’OTAN était de permettre aux États-Unis d’étendre leurs opérations à l’étranger. Un condensé publié par RAND en 2019 cite le rapport de 1972 d’Andrew Marshall pour le groupe de réflexion, Long-Term Competition with the Soviets, comme source d’inspiration pour les stratégies d' »imposition des coûts » vis-à-vis de Moscou. “Un point de référence historique pour de telles mesures », note le rapport,

Se trouve dans les politiques des administrations de Jimmy Carter et Ronal Reagan pendant les années 1980. Ces dernières comprennaient le développement massif d’une défense américain, le lancement de l’Initative de défense stratégique (IDS) aussi connu sous le nom de Star Wars, le déploiement de missiles nucléaires de portée intermédiaire et l’assistance aux anti-soviétiques en Afghanistan et le soutien aux dissidents de l’union soviétique et de ses États satellites. [91]

Le renforcement du soutien à l’armée ukrainienne – « qui saigne déjà la Russie dans la région du Donbas » – était un autre moyen d' »étendre la Russie », augmentant la probabilité que le Kremlin

ne contre-escalade, engageant plus de troupes et les poussant plus profondément en Ukraine. La Russie pourrait même devancer l’action des États-Unis, en intensifiant la situation avant l’arrivée de toute aide supplémentaire de notre part. Une telle escalade pourrait étendre la Russie ; l’est de l’Ukraine est déjà un gouffre. S’emparer d’une plus grande partie de l’Ukraine ne ferait qu’accroître le fardeau, même si c’est aux dépens du peuple ukrainien [92].

Une telle approche n’était pas sans risque si l’Ukraine était submergée ou forcée d’accepter une paix carthaginoise,  » l’image de marque et la crédibilité des États-Unis » pourraient en pâtir. Le fait d’inonder le théâtre d’armes a également rappelé des dangers indéniables. D’un autre côté, observent les auteurs, l’Ukraine est certainement un partenaire plus capable et plus fiable que d’autres à qui les États-Unis ont fourni des équipements létaux – par exemple, les moudjahidin afghans anti-russes dans les années 1980. Actualisées dans une synthèse militante par l’Atlantic Council, des réflexions similaires ont guidé l’agenda de l’administration Biden à partir du début de l’année 2021. [93]

Ainsi, début 2021, deux destroyers américains ont été déployés pendant dix-sept jours en Mer Noire où ils ont participé à des exercices multi-domaine (surface, air et sous-marins) avec la marine ukrainienne, des frégates turques, des F-16 et un avion de reconnaissance P-8. Dans une apparition au QG de l’OTAN à Bruxelles, le premier ministre Ukrainien Denys Shmyal a annoncé ses plans de construction de nouvelles bases en Mer Noire et en Mer d’Azov et le SACEUR Tod Wolters a vanté la « présence avancée renforcée » de l’OTAN dans la région, « avec un superbe soutien de la Géorgie et de l’Ukraine” [94]. Au mois de juin de cette année-là, le destroyer anglais HMS Defender entrait dans les eaux territoriales russes à cap Fiolent ce qui a entraîné une volée de coups de semonce de la part d’un patrouilleur russe. Après Defender-Europe 21, l’un des plus grands exercices de l’OTAN depuis la fin de la guerre froide, la Royal Navy a participé à l’exercice annuel Sea Breeze et à un exercice terrestre dans l’oblast de Mykolaïv, baptisé Cossack Mace. Le Royaume-Uni a pris la tête de la modernisation des capacités de commandement, de contrôle, de communication et d’informatique (C4) de l’Ukraine et du développement d’une  » flotte mosquito « , équipée de missiles antinavires britanniques ; un rapport du RUSI note que Londres est perçue par le Kremlin comme  » prête à aller jusqu’au bout « , avec  » moins de réserves sur la confrontation avec la Russie  » que les autres membres de l’alliance [95]. Fin 2021, les États-Unis et le Royaume-Uni ont affirmé avoir formé des dizaines de milliers de soldats ukrainiens, alignant de manière substantielle l’armée du pays sur les normes de l’OTAN. [96]

Au cours de l’année, l’alliance a intensifié ses activités de  » police aérienne  » au-dessus de la Baltique, avec 370 sorties signalées [97]. Des notes belliqueuses à Washington et à Kiev, aggravées par des signes indiquant que l’Ukraine était en train d’acquérir une capacité de drone de combat sur le modèle azerbaïdjanais, ont accompagné le renforcement militaire de la Russie à la frontière tout au long de 2021 [98]. Lors d’un briefing en octobre dans le bureau ovale, le président des chefs d’état-major interarmées, Mark Milley, a présenté un plan quadruple des  » intérêts américains et des objectifs stratégiques  » :

      1. Ne pas avoir de conflit cinétique entre l’armée américaine et l’OTAN avec la Russie.
      2. Contenir la guerre à l’intérieur des frontières géographiques de l’Ukraine.
      3. Renforcer et maintenir l’unité de l’OTAN.
      4. Donner à l’Ukraine les moyens de se battre [99].

Avant la fin du mois, le drone TB2 de fabrication turque sous commande ukrainienne mena sa première frappe contre des forces rebelles dans le Donbass.

L’escalade soutenue autour de l’Ukraine était le contexte pour le retrait accéléré d’Afghanistan à l’été 2021. Brzezinski Sr., saluant le  » bond  » d’Obama en 2009, avait prévenu qu’une défaite de l’OTAN dans le pays aurait des conséquences catastrophiques pour la crédibilité américaine et l’harmonie transatlantique [100]. Lorsque Kaboul est tombée aux mains des Talibans le 15 août 2021, les Etats-Unis se retirant sans même consulter leurs alliés, des voix se sont élevées pour proclamer la fin de la Pax Americana. Pour un coût de 2 300 milliards de dollars, la guerre de 20 ans a coûté la vie à plus de 7 000 envahisseurs et à un nombre incalculable d’Afghans. En décembre 2021, les ministres des affaires étrangères de l’OTAN se sont réunis à huis clos au Centre ATTA de Riga pour discuter des conclusions d’un « processus d’apprentissage de l’Afghanistan », diffusées au public dans une fiche d’information d’une page. Ce document a adopté une note fondamentalement optimiste, bien qu’il regrette l’incapacité de la « communauté internationale » (non membre de l’OTAN) à reconstruire un État fonctionnel [101]. Entre-temps, le régime Biden a réorienté les sanctions sur Kaboul et saisi 9 milliards de dollars de réserves de la banque centrale, laissant le pays ruiné et des millions de personnes en proie à la famine et à la mort [102].

Quelques mois plus tard, pendant que les troupes russes se déversaient à travers la frontière ukrainienne, tout pouvait être oublié. “L’OTAN a été revitalisée et les États-Unis ont récupéré un rôle de leader que certains craignaient de voir disparaître en Irak et en Afghanistan », annonçait le New York Times deux semaines après le début de l’offensive [103]. La Guerre d’Ukraine ouvre un nouveau chapitre de l’histoire de l’OTAN qui reste encore à écrire. Quel bilan peut-on tirer de la trajectoire de l’alliance jusqu’à présent ?Des Balkans au Dnipro, sa revendication d’être le garant de la paix en Europe révèle à bien l’examiner, l’exact inverse : une carrière faite d’esquives, de machtpolitik et de provocations. En termes d’agrégation de capacités et de poids militaire, le bilan de l’esbroufe franco-britannique en Afrique du Nord et l’échec, après vingt ans, à soumettre les Talibans parlent d’eux-mêmes. La performance d’Ankara en tant que gardien de l’adhésion de la Finlande et de la Suède, tout en poursuivant sa campagne contre les Kurdes en Irak et en Syrie, met en lumière la circonférence de la « communauté de valeurs » de l’Atlantique [104].

À d’autres égards, toutefois, les chefs de l’OTAN pourraient toutefois se vanter du fait que leur alliance est “celle qui a eu le plus de succès dans l’histoire” [105]. Accoucheuse de la renaissance libérale en Europe Orientale, Shérif de la mondialisation, gardien de l’illégalité internationale : la variété de ses missions, qui ne sont pas toujours compatibles avec ses principes attestent de la prévalence de sa direction. Les rangs de l’OTAN ont plus que doublé durant les premières décennies de la fin de la guerre froide, de nouveaux membres ont été intégrés dans un accord qui ne se limite pas à l’étendue géographique du traité de l’Atlantique Nord. La relation de dépendance de l’UE à son égard est codifiée dans le traité de Lisbonne qui stipule qu’aucune politique européenne de sécurité ne doit mettre en péril les engagements pris à l’égard de l’Alliance atlantique [106]. Comme mécanisme de discipline de ses alliés, médiant leurs conflits et gérant les problèmes impériaux, son bilan en matière de renforcement de l’hégémonie américaine sur l’Europe est incontestable. Loin d’être le seul outil de ce type, dont on se débarrasse volontiers lorsqu’il n’est pas utile, il peut néanmoins être considéré comme le plus influent. L’intégration ne consiste pas seulement à normaliser les munitions, à affiner la doctrine et à coordonner les protocoles de commandement. Tout autant, sinon plus, l’OTAN cherche à assurer « l’interopérabilité mentale” [107]. L’atlantisme, a fait remarquer de Gaulle, « est en nous, parmi nos couches dirigeantes et celles de nos pays voisins », « il est dans nos têtes” [108].

Notes

[1] Cet essai est tiré de l’introduction « Pactum de contrahendo » à l’ouvrage de Grey Anderson NATOpolitanism: The Atlantic Alliance since the Cold War, publié par Verso – NdE Pactum de contrahendo est une locution latine que renvoie à un avant contrat, elle est surtout utilisée en droit international pour une convention préalable à la négociation d’un accord international dans laquelle les représentants des États signataires établissent la liste des questions sur lesquelles portera une future négociation et par laquelle ils déterminent les limites de ce qui est négociable. – NDT. ⤴️

[2] Paul Schroeder,  » Alliances, 1815–1945: Weapons of Power and Tools of Management « , in Klaus Knorr, Historical Dimensions of National Security Problems, Lawrence, 1976. Schroeder affirme que les historiens et les politologues ont tendance à exagérer le poids du  » hard power  » dans les objectifs des alliances – agrégation des capacités militaires, défense collective, équilibre des menaces, diplomatie coercitive, etc. – au détriment de la gestion et du contrôles entre les alliés, tâches considérablement plus fréquentes et conséquentes. La Sainte Alliance de 1815 est, en ce sens, un exemple de pactum de contrahendo. ⤴️

[3] du O de Otan, NDT. ⤴️

[4] fleuve au nord de la Corée du Nord : c’est le début de la guerre de Corée, NDT. ⤴️

[5]  Allemagne, NDT. ⤴️

[6]  sensible à l’inconvenance d’une ingérence flagrante dans les affaires intérieures des membres, le Foreign Office britannique, premier défenseur d’un système de sécurité atlantique, s’est d’abord opposé aux pressions américaines en faveur d’une clause du traité prévoyant des consultations en cas de  » coup d’Etat interne ou de changement politique favorable à un agresseur « ,  » au motif que cela tendrait à reconstituer une  » sainte alliance  » « . Mais les Américains l’emportèrent, comme lors de débats sur la limitation de l’alliance aux Etats riverains de l’océan Atlantique, élargi dans un le texte final à une zone plus vaste. Cies Wiebes and Bert Zeeman, “The Pentagon Negotiations March 1948: The Launching of the North Atlantic Treaty”, International Affairs, vol. 59, no. 3, Summer 1983, p. 359.  ⤴️

[7]  En prenant le pouvoir, les colonels ont d’abord juré fidélité au roi, puis à l’OTAN. La junte a dépassé les attentes de Washington en permettant à la 6e flotte d’amarrer des navires de guerre au port du Pirée. Voir le récit du chef de la CIA à Athènes, John Maury,  » The Greek Coup « , Washington Post, 1er mai 1977.  ⤴️

[8] C’est la thèse principale du travail d’archive le plus récent portant sur l’histoire de l’alliance, un ouvrage aux références rigoureuses et impeccables : Timothy Andrews Sayle, Enduring Alliance : A History of NATO and the Postwar Global Order, Ithaca 2019 ⤴️

[9] Le pacte de Madrid laissa aux États-Unis l’accès aux bases navales et aériennes espagnoles en échange d’une aide économique. L’Espagne rejoindra l’alliance en 1982, sous la présidence de Felipe González, leader du PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol, NDT.) ⤴️

[10]  CIA,  » rapport sur la situation mondiale « , Central Intelligence Agency, ‘Review of the World Situation’, CIA n° 5–59, 17 mai 1949; cité dans Melvyn Leffler, A Preponderance of Power: National Security, the Truman Administration and the Cold War, Stanford 1992, p.284 ⤴️

[11]  Deux diplomates de haut rang du Département d’État, Charles Bohlen et George Kennan, partageaient cette opinion. Pour une vue d’ensemble, voir David P. Calleo,  » Early American Views of NATO : Then and Now « , dans Lawrence Freedman,: Atlantic Relations in the 1980s, Londres, 1983 ⤴️

[12]  Sur l’évolution de la planification stratégique américaine en temps de guerre, voir Thomas J. McCormick, America’s Half-Century : United States Foreign Policy in the Cold War and After, Baltimore 1995, p. 33 ; et Gabriel Kolko, The Politics of War : The World and United States Foreign Policy, 1943-1945, New York 1968, pp. 15-29 et passim. ⤴️

[13]  La doctrine Monroe, proclamée en 1823 par le président américain James Monroe, stipule que toute intervention européenne dans les affaires des Amériques serait considérée comme une menace pour la sécurité des États-Unis, affirmant ainsi la primauté de l’Amériques sous l’influence états-unienne – NDT.⤴️

[14]   » Last Thoughts « , Time, 25 juillet 1949. Kennan et d’autres ont soutenu une alternative similaire, considérée comme ne garantissant pas une intervention militaire en cas d’attaque contre un Etat allié. Il s’agit en substance de la solution de compromis incorporée dans le casus fœderis du traité de 1949, l’article 5, qui stipule qu’une attaque contre un membre –  » en Europe ou en Amérique du Nord  » – doit être considérée comme une attaque contre tous, et que chacun apportera son aide  » s’il le juge nécessaire « , sans engagement plus contraignant en faveur d’une riposte armée. ⤴️

[15]  Les administrations Truman et Eisenhower dirigèrent l’alliance de la même manière que Clay et MacArthur avaient dirigé l’Allemagne et le Japon occupés « , comme l’écrivit un historien admiratif, à propos de la  » culture démocratique  » unique incarnée par l’OTAN. Les futurs présidents allaient faire de même. John Lewis Gaddis, We Now Know: Rethinking Cold War History, Oxford 1997, p. 200. ⤴️

[16] Thomas Hughes,  » Research Memorandum « , US Department of State, Director of Intelligence and Research, 13 août 1965 ; disponible sur le site des National Security Archive. ⤴️

[17]  années de miracle économique, NDT. ⤴️

[18]  Wolfram Hanrieder, Germany, America, Europe : Forty Years of German Foreign Policy, New Haven 1989. ⤴️

[19]  Charles Maier,  » The Making of “Pax Americana” : Formative Moments of United States Ascendancy « , dans R. Ahmann, Adolf Birke et Michael Howard, dir., The Quest for Stability: Problems of West European Security, 1918-1957, Oxford 1993. ⤴️

[20]  Sayle, Enduring Alliance, p. 187. ⤴️

[21]  Cité dans Evanthis Hatzivassiliou, « The Crisis of NATO Political Consultation, 1973-74 : From defcon iii to the Atlantic Declaration”, Journal of Cold War Studies, vol. 19, no. 3, été 2017, p. 121. ⤴️

[22]  Melvin Small, « The Atlantic Council : The Early Years », rapport de l’OTAN, 1er juin 1998 ; disponible sur le site Internet de l’OTAN. ⤴️

[23]  Les accords du Plaza sont un accord sur les taux de change signé le 22 septembre 1985 entre les États-Unis, le Japon, l’Allemagne de l’Ouest, le Royaume-Uni et la France, les cinq pays capitalistes les plus industrialisés de la période – NDT ⤴️

[24]  Selon les termes, maintes fois répétés, du secrétaire général Manfred Wörner : « Discours du secrétaire général au Centro Alti Studi per la Defesa, Rome », 10 mai 1993 ; disponible sur le site Internet de l’OTAN. ⤴️

[25]  Mike Davis, « Nuclear Imperialism and Extended Deterrence », dans Edward Thompson et al, Exterminism and Cold War, Londres 1982. ⤴️

[26]  L’intégration », écrivait en 1965 l’ambassadeur de l’Allemagne de l’Ouest auprès de l’OTAN au ministre des Affaires étrangères de l’époque, Gerhard Schröder, « est sans aucun doute un instrument hégémonique efficace de la plus grande puissance de l’alliance » : Hanrieder, Allemagne, Amérique, Europe, pp. 48-9. ⤴️

[27]  Zbigniew Brzezinski, alors rattaché au Conseil de planification des politiques du Département d’État, rédigea un mémorandum en 1966 qui préconisait une approche prudente de la détente et excluait tout accord mutuel visant à dissoudre les deux blocs militaires. Même une victoire des États-Unis dans la Guerre froide ne signifierait donc pas la fin de la raison d’être de l’OTAN ; la présence américaine en Europe devait rester une condition essentielle “pour construire un ordre mondial basé sur une collaboration plus étroite entre les nations les plus développées, incluant peut-être éventuellement certains États communistes”. Cité dans Sayle, Enduring Alliance, p. 153 ⤴️

[28]  Philip Zelikow et Condoleeza Rice, Germany Unified and Europe Transformed: A Study in Statecraft, Cambridge ma 1995, p. 169. ⤴️

[29]  Philip Zelikow and Condoleeza Rice, Germany Unified and Europe Transformed: A Study in Statecraft, Cambridge ma 1995, p. 169. ⤴️

[30]  Sarotte, Not One Inch, p. 66; Joshua Itzkowitz Shifrinson, ‘Deal or No Deal? The End of the Cold War and the US Offer to Limit NATO Expansion’, International Security, vol. 40, no. 4, Spring 2016. Shifrinson est plus catégorique que ne peut l’être Sarotte quant au fait que les responsables américains soient revenus sur la promesse formulée à leurs homologues soviétiques de ne pas s’étendre davantage vers l’Est, une fois la RDA intégrée. Ils s’accordent néanmoins sur les éléments factuels. ⤴️

[31]  Cet argument, étayé par les archives américaines, est présenté par Joshua Itzkowitz Shifrinson dans ‘Eastbound and Down: The United States, NATO Enlargement, and Suppressing the Soviet and Western European Alternatives, 1990–92’, Journal of Strategic Studies, vol. 43, nos 6–7, 2020. ⤴️

[32]  Extraits du plan du Pentagone: “Prevent the Re-Emergence of a New Rival”’, New York Times, 8 mars 1992. ⤴️

[33]  Hal Brands, ‘Choosing Primacy: US Strategy and Global Order at the Dawn of the Post-Cold War Era’, Texas National Security Review, vol. 1, no. 2, mars 2018, p. 25. ⤴️

[34]  Liviu Horovitz et Elias Götz, ‘The Overlooked Importance of Economics: Why the Bush Administration Wanted NATO Enlargement’, Journal of Strategic Studies, vol. 43, nos 6–7, Décembre 2020, p. 856. ⤴️

[35]  Richard Lugar, ‘NATO: Out of Area or Out of Business. A Call for US Leadership to Revise and Redefine the Alliance’, propos tenus à l’occasion du forum du Département d’Etat des Etats Unis, le 2 août 1993, rapporté par Benjamin Schwarz, ‘“Cold War” Continuities: US Economic and Security Strategy towards Europe’, dans Anderson, ed., NATOpolitanism 

[36]  Schwarz, ‘“Cold War” Continuities’. ⤴️

[37] Anthony Lake, From Containment to Enlargement, Discours à School of Advanced International Studies de l’ Université Johns Hopkins, le 21 septembre 1993, Etats-Unis Department of State Dispatch, vol. 4, no. 39, 27 septembre 1993, pp. 658–64. ⤴️

[38] Discours du president Bill Clinton à l’assemblée générale des Nations Unies le 27 Septembre 1993, cité dans Bastiaan van Apeldoorn et Naná de Graaff, American Grand Strategy and Corporate Elite Networks: The Open Door since the End of the Cold War, Londre 2016, p. 113. 

[39] Habituellement au nombre de 4, le triangle de Visegràd fait référence à la Hongrie, la Tchéquie et la Pologne. La Slovaquie, autre membre du groupe de Visegrád, indépendante en 1993 rejoint l’OTAN en 2004 – NDT. ⤴️

[40]  Sarotte, Not One Inch, p. 282. ⤴️

[41]  Décrit de manière prophétique par Peter Gowan, The Global Gamble: Washington’s Bid for Global Dominance, Londre 1999, p. 303 ⤴️

[42]  Perry Anderson, American Foreign Policy and Its Thinkers, Londres 2017, pp. 197– 209. ⤴️

[43] Zbigniew Brzezinski, The Grand Chessboard: American Primacy and Its GeostrategicImperatives, New York 1997, p. 121. ⤴️

[44]  Brzezinski, The Grand Chessboard, p. 40. ⤴️

[45] William Clinton, ‘Address to the American Federation of State, County and Municipal Employees (AFSCME) Biennial Convention’, Washington dc, 23 March 1999; available at the US Department of State website. ⤴️

[46]  Roger Cohen, ‘The Europeans: In Uniting over Kosovo, a New Sense of Identity’, New York Times, 28 avril 1999; cited in Christopher Layne, ‘Death Knell for NATO?: The Bush Administration Confronts the European Security and Defence Policy’, Policy Analysis, vol. 394, avril 2001, p. 14. ⤴️

[47]  Peter Gowan, ‘The Twisted Road to Kosovo : The Political Origins of the NATO Attack on Yugoslavia’, Labour Focus on Eastern Europe, no. 62, Printemps 1999, p. 5. ⤴️

[48]  Paul van Hooft, ‘Land Rush: American Grand Strategy, NATO Enlargement and European Fragmentation’, International Politics, vol. 57, no. 3, juin 2020, pp. 539–41. ⤴️

[49]  Layne, ‘Death Knell for NATO?’, p. 5 ⤴️

[50]  Schwarz, ‘“Cold War” Continuities’. ⤴️

[51]  Charles de Gaulle, lui-même revenu au pouvoir par un pronunciamiento, a imputé en privé les querelles prétoriennes qui ont entaché le retrait français d’Algérie à la participation des officiers au commandement intégré de l’OTAN. Les généraux affectés au SHAPE, se plaignait-il,  » se dénationalisent sans le vouloir « .  » Ils perdent tout sens de l’État, de la nation, du respect de la hiérarchie nationale…  » : Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Paris 2002, pp. 333-334. Sur le rôle joué par les leaders militaires français pro-américains dans le topillage des plans pour un  » pilier  » européen distinct au sein de l’OTAN (dirigé par la France), voir Kori Schake,  » NATO after the Cold War, 1991-95: Institutional Competition and the Collapse of the French Alternative « , Contemporary European History, vol. 7, no. 3, novembre 1998. ⤴️

[52]  American Institute for Contemporary German Studies at the Johns Hopkins University, Washington DC, 22–24 avril 1998; cité dans Peter Gowan, ‘The Twisted Road to Kosovo’, p. 5. ⤴️

[53] James Mann, Rise of the Vulcans: The History of Bush’s War Cabinet, Londre 2004, p. 304. ⤴️

[54]  Van Hooft, ‘Land Rush’, p. 544 ⤴️

[55]  Perry Anderson, The New Old World, Londres 2009, pp. 71–2. ⤴️

[56] US Congress, NATO Enlargement: Hearings Before the Senate Foreign Relations Committee, 108th Cong., 1ère session, 27 mars–8 avril 2003, p. 17. ⤴️

[57]  La tergiversation allemande a exaspéré les dirigeants de l’Europe de l’Est, qui ont fait l’analogie entre le refus d’un plan d’action formel pour l’adhésion et les accords de Munich et ont rappelé le comportement autoritaire de Berlin dans l’UE.. ‘With Allies Like These’, Economist, 3 avril 2008. ⤴️

[58]  Des agents américains chevronnés ont joué un rôle dans la campagne visant à renverser le président ukrainien Leonid Kuchma : Ian Traynor, ‘US Campaign behind the Turmoil in Kiev’, Guardian, 26 novembre 2004 ⤴️

[59]  Richard Holbrooke, ‘From “Tent City” to NATO’, Washington Post, 14 décembre 2004. ⤴️

[60]  Charles Krauthammer, ‘Why Only in Ukraine?’, Washington Post, 3 décembre 2004; cité dans Stephen Cohen, Soviet Fates and Lost Alternatives : From Stalinism to the New Cold War, New York 2011, pp. 182–3. ⤴️

[61]  William Burns, The Back Channel: American Diplomacy in a Disordered World, Londre 2019, p. 233. ⤴️

[62]  Steven Lee Myers, ‘Bush backs Ukraine’s bid to join NATO’, New York Times, 1er avril 2008. ⤴️

[63]  Tor Bukkvoll, ‘Ukraine and NATO: The Politics of Soft Cooperation’, Security Dialogue, vol. 28, no. 3, septembre 1997, pp. 363–4. Joseph Laurence Black, Vladimir Putin and the New World Order: Looking East, Looking West?, Oxford 2004, p. 250. ⤴️

[64]  F. Stephen Larrabee, NATO’s Eastern Agenda in a New Strategic Era, Santa Monica 2003, p. 103. ⤴️

[65]  En Allemagne – NDT ⤴️

[66] Volodymyr Ishchenko, ‘NATO through Ukrainian Eyes’, dans Anderson, ed., NATOpolitanism. ⤴️

[67]  Des rumeurs circulent actuellement aux États-Unis selon lesquelles Cheney aurait déclenché la crise en Géorgie pour rendre service au candidat républicain à la présidence [McCain]’, rapporte Der Spiegel. ‘There is a wealth of evidence to support such a theory.’ Ralf Beste, Uwe Klußmann and Gabor Steingart, ‘Russia and the West: The Cold Peace’, Der Spiegel, 1er septembre 2008. ⤴️

[68]  Robert Kagan, ‘Putin Makes His Move’, Washington Post, 11 août 2008. ⤴️

[69]  Joseph Wood,  » (Re)Nationalisation en Europe « , Policy Brief, German Marshall Fund of the United States, 20 août 2009 ; sur les règles d’engagement allemandes, voir le résumé mordant de Max Boot,  » Règles d’engagement allemandes ? « , Commentary, 29 juillet 2009. ⤴️

[70] Ivo Daalder et James Stavridis, ‘NATO’s Success in Libya’, New York Times, 30 octobre 2011. ⤴️

[71] Ivo Daalder et James Stavridis, ‘NATO’s Victory in Libya: The Right Way to Run an Intervention’, Foreign Affairs, vol. 91, no. 2, Mars-Avril 2012. ⤴️

[72] Si le pays qu’ils ont laissé derrière eux était un « spectacle de merde », pour reprendre les termes d’Obama, ce n’était guère de leur faute. Jeffrey Goldberg, « The Obama Doctrine », Atlantic, avril 2016. ⤴️

[73] Un commentateur français admiratif a décelé dans la campagne libyenne les lignes d’un « mode de guerre européen ». François Heisbourg, « La guerre en Libye : The Political Rationale for France », dans Dag Henriksen et Ann Karin Larssen, eds, Political Rationale and International Consequences of the War in Libya, Oxford 2016, p. 37 ⤴️

[74] Charles Krauthammer, ‘The Axis of Petulance’, Washington Post, 1er mars 2002; cité dans Mann, Rise of the Vulcans, p. 321. ⤴️

[75] La pédagogie était à l’ordre du jour. “Nous avons réalisé que ces gens étaient trop imprégnés d’idées socialistes et nationalistes”, a commenté un membre de la délégation américaine à l’OTAN à propos de la première candidature de la Roumanie pour entrer dans l’alliance ; la voie prudente était de “patienter jusqu’à ce que cette génération de politiciens ‘meure’- du moins politiquement parlant. En attendant, nous nous concentrerions sur l’éducation des ‘bébés généraux’ et des ‘bébés politiciens’.” Citée dans Alexandra Gheciu, NATO dans the ‘New Europe’: The Politics of International Socialization after the Cold War, Stanford 2005, p. 162. ⤴️

[76] Dans la période précédant le soulèvement de Maidan, la secrétaire d’État adjointe Nuland et Carl Gershman, directeur de la National Endowment for Democracy (l’équivalent de la CIA), ont coordonné une campagne de relations publiques visant à déposer Yanukovych à titre d’essai pour renverser son homologue à Moscou. David Hendrickson, « At the End of Its Tether : US Grand Strategy of Advancing Diplomacy », Defense Priorities, 30 juin 2022. ⤴️

[77] Dans la période précédant le soulèvement de Maidan, la secrétaire d’État adjointe Nuland et Carl Gershman, directeur de la National Endowment for Democracy (l’équivalent de la CIA), ont coordonné une campagne de relations publiques visant à déposer Yanukovych à titre d’essai pour renverser son homologue à Moscou. David Hendrickson, « At the End of Its Tether : US Grand Strategy of Advancing Diplomacy », Defense Priorities, 30 juin 2022. ⤴️

[78] La divergence entre les stratégies américaine et européenne peut être nuancée. La chancelière allemande Angela Merkel et son homologue français François Hollande, qui ont présidé les négociations du « format Normandie », ont tous deux affirmé depuis qu’ils avaient poussé à un règlement négocié à Minsk afin de donner du temps à l’OTAN pour réarmer l’Ukraine. Angela Merkel, « Hatten Sie gedacht, ich komme mit Pfedereschwanz », entretien avec Tina Hildebrandt et Giovanni di Lorenzo, Die Zeit, 7 décembre 2022 ; François Hollande, « Il n’y aura de sortie du conflit que lorsque la Russie tombera au sol », entretien avec Theo Prouvost, Kiev Independent, 28 décembre 2022. ⤴️

[79] Cité dans Kees van der Pijl, Flight mh17, Ukraine and the New Cold War : Prism of Disaster, Manchester 2018, p. 102. ⤴️

[80] Je pense que le président nous considère comme une menace qu’il faut minimiser », écrit Breedlove à Harlan Ullman, conseiller principal au Conseil atlantique, « mais ne me lancez pas dans une guerre ???? ». [sic]. Breedlove à Ullman, 30 septembre 2014 ; cité dans Lee Fang et Zaid Jilani, « Hacked Emails Reveal NATO General Plotting against Obama on Russia Policy », Intercept, 1er juillet 2016. ⤴️

[81] Assemblée Nationale, Compte rendu : Commission de la défense nationale et des forces armées, XIVe législature, session ordinaire de 2014-15, no. 49, 25 mars 2015, p. 7-8 ; voir Chris Kaspar de Ploeg, Ukraine in the Crossfire, Atlanta 2017, p. 206. ⤴️

[82] Breedlove’s Bellicosity : Berlin Alarmed by Aggressive NATO Stance on Ukraine », Der Spiegel, 6 mars 2015. ⤴️

[83] Je n’ai jamais vu un débat aussi agressif et émotionnel que sur cette question », a commenté Matthew Rojansky, directeur de l’Institut Kennan, qui a ajouté qu’il « rappelait celui de l’invasion de l’Afghanistan par l’Union soviétique ». Jennifer Steinhauer et David M. Herszenhorn, « Defying Obama, Many in Congress Press to Arm Ukraine », New York Times, 11 juin 2015. ⤴️

[84] cité dans Richard Sakwa, Russia against the Rest : The Post-Cold War Crisis of World Order, Cambridge 2017, p. 183. ⤴️

[85] Steve Coll, « Global Trump », New Yorker, 11 avril 2016. ⤴️

[86] Voir Joshua Rahtz et Anne Zetsche, « Rhetoric and Reality of Disinformation in the European Union », Étude pour The Left/La gauche au Parlement européen, Bruxelles 2021. ⤴️

[87] Fred Halliday, The Making of the Second Cold War, Londre 1986. ⤴️

[88] Au cours de l’année écoulée, les dirigeants allemands, confrontés à des tensions croissantes au sujet de l’Ukraine, ont instinctivement cherché des références à l’initiative du chancelier allemand Helmut Schmidt dans le cadre du NATO-Doppelbeschluss, la résolution de 1979 visant à déployer des icbms nucléaires en Europe occidentale si l’URSS refusait de retirer ses forces de théâtre équivalentes, les SS-20. ⤴️

[89] Hélène Fouquet, « Macron Says NATO Should Shift Its Focus Away from Russia », Bloomberg, 28 novembre 2019. Macron a réitéré la question deux ans plus tard, après que la perfidie anglo-saxonne a fait perdre à la France un lucratif contrat de sous-marins. ⤴️

[90] Henry Foy et Demetri Sevastopulo, « US Steps Up Pressure on European Allies to Harden China Stance », Financial Times, 29 novembre 2022. ⤴️

[91] James Dobbins et al., Extending Russia: Competing from Advantageous Ground, Santa Monica 2019, p. 1. ⤴️

[92] Dobbins et al., Extending Russia, p. 100 ⤴️

[93] David Hendrickson, ‘The Causes of War’, American Conservative, 4 mars 2022. ⤴️

[94] John Vandiver, ‘Ukraine Plans Black Sea Bases as US Steps Up Presence in Region’, Stripes, 10 février 2021. ⤴️

[95] Maryna Vorotnyuk, ‘Security Cooperation between Ukraine and the uk’, RUSI, 10 novembre 2021; disponible sur le site du RUSI. ⤴️

[96] Andriy Zagorodnyuk, Alina Frolova, Hans Petter Midtunn and Oleksii Pavliuchyk, ‘Is Ukraine’s Reformed Military Ready to Repel a New Russian Invasion?’, Atlantic Council Ukraine Alert, 23 décembre 2021; Disponible sur le site de l’Atlantic Council. ⤴️

[97] Environ 80 % des missions, selon le communiqué de presse de l’alliance, ont été effectuées en réponse à des vols d’avions militaires russes. Les avions de l’OTAN ont été déroutés des centaines de fois en 2021 pour surveiller l’espace aérien allié », 28 décembre 2021 ; disponible sur le site web de l’OTAN. ⤴️

[98] David Hendrickson, « Why Washington Has Lost Its Mind over Ukraine », National Interest, 11 février 2022. ⤴️

[99] Shane Harris, Karen DeYoung, Isabelle Khurshudyan, Ashley Parker et Liz Sly, « Road to War : US Struggled to Convince Allies, and Zelensky, of Risk of Invasion », Washington Post, 16 août 2022. ⤴️

[100] Zbigniew Brzezinski, « An Agenda for NATO : Toward a Global Security Web », Foreign Affairs, vol. 88, no. 5, septembre-octobre 2009. ⤴️

[101] Factsheet: Afghanistan Lessons Learned Process’, NATO, novembre 2021;disponible sur le site Internet de l’OTAN. ⤴️

[102] Ezra Klein, « If Joe Biden Doesn’t Change Course, This Will be His Worst Failure », New York Times, 20 février 2022. ⤴️

[103] Mark Landler, Katrin Bennhold et Matina Stevis-Gridneff, « How the West Marshaled a Stunning Show of Unity against Russia », New York Times, 5 mars 2022. 

[104] Cihan Tual, « Turkey Shows What NATO Really Is », New York Times, 26 mai 2022. ⤴️

[105] L’épithète, apparemment apparue dans l’euphorie de la victoire après la Guerre froide, est omniprésente dans les communiqués de l’alliance. ⤴️

[106] Richard Sakwa, « The New Atlanticism », Valdai Papers, n° 17, mai 2015, p. 6. ⤴️

[107] Gheciu, NATO in the ‘New Europe’, p. 181. ⤴️

[108] Peyrefitte, C’était de Gaulle, p. 606. ⤴️

Corpus

Textes et ouvrages illustrant le sujet OTAN et d’autres développement de Grey Anderson plus centrés sur la France.

La guerre civile en France, 1958-1962. Du coup d’Etat gaulliste à la fin de l’OAS de Grey Anderson
Editions La Fabrique

NATO Isn’t What It Says It Is de Grey Anderson
Disponible sur The NY Times

L’OTAN en chiffres-clés, cartes et citations
Disponible sur Le Monde Diplomatique

PDF
Partager

Comprendre les rapports de domination a l’echelle internationale

Notre groupe de lecture propose un espace d’auto-formation où nous explorons collectivement les enjeux de l’anti-impérialisme et ses résonances dans les luttes contemporaines, de l’écologie à l’antiracisme. Rejoignez-nous pour des discussions enrichissantes et accessibles, ouvertes à toutes et tous, dans une dynamique d’échange et de partage des savoirs.

Comprendre les rapports de domination à l’échelle internationale

Notre groupe de lecture propose un espace d’auto-formation où nous explorons collectivement les enjeux de l’anti-impérialisme et ses résonances dans les luttes contemporaines, de l’écologie à l’antiracisme. Rejoignez-nous pour des discussions enrichissantes et accessibles, ouvertes à toutes et tous, dans une dynamique d’échange et de partage des savoirs.