Normalité Gay et transformation Queer
Peter Drucker
Ce texte du théoricien queer marxiste Peter Drucker fait l’exposé des tensions historiques entre l’assimilationnisme LGBT et la subversion queer radicale, une généalogie de l’homonormativité incontournable pour penser l’homonationalisme aujourd’hui.
« Le problème n’est pas tant d’obtenir des victoires, que la forme que prennent ces victoires. »
Au cours des quarante dernières années, les mouvements lesbien/gay/bisexuel/transgenre (LGBT), dans une grande partie du monde, semblent être allés de victoire en victoire, à un niveau qui aurait autrefois semblé presque inimaginable. Compte tenu de l’opposition virulente suscitée par les premières lois anti-discrimination il y a seulement quelques décennies, le vote par la majorité du Conseil des droits de l’homme de l’ONU en 2011 en faveur de la protection des minorités sexuelles a constitué une étape importante. La légalisation du mariage homosexuel, non seulement au Danemark, en Afrique du Sud et en Argentine, mais également sa sérieuse éventualité au Népal, au Vietnam et même dans des régions conservatrices des États-Unis dépasse certainement les attentes de la plupart des personnes. En comparaison avec les années 1960 et 1970, lorsque la libération homosexuelle « touchait très peu de gens », comme l’a observé John D’Emilio, à partir des années 1990, « le monde a changé » pour des millions de personnes LGBT [01].
Pourtant, de nombreux militants LGBT ne sont pas entièrement satisfaits des mouvements qu’ils ont construits [02]. Des retours de bâton (backlash [03]) récurrents contre l’avancement de l’intégration de certain.e.s lesbiennes/gays dans la société continuent de se produire, parfois de manière violente et imprévisible [04]. Les législations sévères dans des pays comme l’Ouganda et le Nigéria, souvent financées et soutenues par la droite chrétienne américaine, montrent l’intensité de la réaction sur les questions de sexualité. L’explosion en 2013 de l’opposition au mariage homosexuel en France a révélé à quel point les préjugés anti-gay persistent sous la surface, même dans des pays où la tolérance semble solidement établie. Mais ces retours de bâton ne sont pas le seul problème. En fait, aussi intenses soient-ils, ils semblent souvent remarquablement passagers. Le problème n’est pas tant de remporter des victoires et de les conserver, que la forme que prennent ces victoires.
Vivant à l’apogée du mouvement contre la guerre du Vietnam, les militants gay de 1969 n’auraient probablement pas accueilli favorablement la perspective de voir des hommes gay dans l’armée – ou l’utilisation d’arguments en faveur de la liberté sexuelle pour justifier des guerres en Asie occidentale. Même s’ils avaient soutenu la reconnaissance légale des unions de même sexe, ils n’auraient probablement pas accordé une grande priorité à la planification successorale et fiscale pour les couples homosexuels aisés. Et étant donné l’inspiration que ces militants puisaient dans les luttes des noirs et des immigrants, ils auraient été consternés de voir aujourd’hui des personnes LGBT et des immigrants se dresser les uns contre les autres dans une grande partie de l’Europe, et les personnes LGBT se dresser contre les Africains et les Arabes à l’échelle mondiale.
Les victoires des personnes LGBT au cours des quarante dernières années sont à la fois réelles et importantes, mais elles sont inextricablement liées à des défaites tout aussi significatives. Les paradoxes entourant les victoires LGBT sont en partie dus aux revers qu’ont subis d’autres mouvements au cours de la même période, notamment les mouvements ouvriers et ceux des pauvres, les mouvements anti-guerre et la gauche politique. Étant donné que les victoires LGBT ont été remportées dans un monde de plus en plus inégal, polarisé et violent, elles ont pris une saveur amer. Les personnes LGBT peuvent, dans un sens, être plus libres aujourd’hui dans une grande partie du monde qu’elles ne l’étaient autrefois. Mais la liberté dont elles jouissent dépend de plus en plus d’un marché beaucoup plus accueillant pour les personnes ayant des moyens financiers, quelle que soit leur sexualité, que pour celles qui n’en ont pas. Les premières communautés LGBT post-Stonewall, bien que petites, traversées de conflits et fragiles, avaient leurs propres lieux de rencontre non-commerciaux, leur musique, leur littérature et leur ethos. Aujourd’hui, tout cela est beaucoup moins disponible et, le plus souvent, étiqueté d’un prix.
Les résultats sont l’augmentation de la commercialisation de la scène gay, le glissement vers la droite dans les mouvements LGBT et la faiblesse d’une alternative de gauche. Dans les pays où les mouvements LGBT semblent avoir été les plus couronnés de succès, les vies LGBT sont de plus en plus circonscrites par une politique de réconciliation avec la vie quotidienne sous le néolibéralisme, que Lisa Duggan a défini comme « la nouvelle homonormativité ». Si l’hétéronormativité est l’institutionnalisation de l’hétérosexualité à travers l’idée implicite que tout le monde est hétérosexuel à moins d’être explicitement identifié comme autre chose, l’homonormativité est un état d’esprit qui « ne conteste pas les hypothèses et institutions hétéronormatives dominantes, mais les soutient et les perpétue » [05]. L’essor de l’homonormativité n’implique en aucun cas que les sociétés dans leur ensemble soient moins hétéronormatives ; au contraire, l’homonormativité reflète et s’adapte à la norme hétérosexuelle. Parallèlement, le multiculturalisme superficiel, caractéristique du néolibéralisme, masque à peine l’inégalité raciale croissante, alimentant des vagues de réactions homophobes dans le monde islamique et en Afrique ainsi que parmi d’autres groupes racialisés.
Avec le recul, les soulèvements lesbiens/gays de la fin des années 1960 et 1970 portaient les germes à la fois d’une résistance queer continue et d’une sorte de « normalité gay », ce qui reflète l’intériorisation souvent incomplète et inconsciente de la nouvelle homonormativité par les personnes LGBT. Les victoires de la libération lesbienne/gay ont été en partie de véritables avancées pour toutes les personnes LGBT, et en partie des gains spécifiques pour une élite lesbienne/gay émergente, qui en a tiré des bénéfices disproportionnés. Aujourd’hui, les agendas de l’homonormativité et de la résistance queer divergent, à des rythmes différents selon les régions du monde, de nombreuses personnes LGBT combinant encore des éléments des deux dans leur conscience.
La résistance queer développe lentement la théorie nécessaire pour orienter sa stratégie. Parmi les éléments clés d’un nouveau paradigme radical queer, on trouve une redécouverte du marxisme [06]. Le marxisme spécifique dont les mouvements LGBT ont besoin ne pourra jamais être monolithique. Mais il peut et doit a minima être non-réductionniste, non-eurocentriste, anti-économiciste, et fondé sur l’impératif fondamental d’auto-organisation de tous les opprimés. Ce type de marxisme est indispensable, en particulier pour comprendre à la fois l’oppression sexuelle et de genre, ainsi que ses dissidences. Par ailleurs, une dimension sexuelle doit également être intégrée dans les autres mouvements progressistes s’ils veulent être efficaces. Nous devons, en particulier, renouveler les débats féministes des années 1970 et 1980, en soutien aux féministes socialistes qui ont continué d’insister sur le fait que le capitalisme est, dans son essence, un mode de production et de reproduction sociale genré, qui doit être combattu en tant que tel. Nous devons également intégrer des idées clés issues d’autres paradigmes importants pour la politique queer, comme le freudisme radical pionnier d’Herbert Marcuse, le libertarisme radical de Michel Foucault et l’activisme queer (notamment l’activisme queer antiraciste), lié dans une certaine mesure à la théorie queer contemporaine.
La force unique du marxisme réside dans sa compréhension des dynamiques du capitalisme et du rôle clé que peut jouer la classe ouvrière dans la résistance au pouvoir du capital. L’expérience historique – non seulement en Russie en 1917 et en France en 1968, mais plus récemment avec le rôle des travailleurs dans le renversement des dictatures au Brésil, en Pologne, en Corée du Sud, en Tunisie et dans d’autres pays – a démontré le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière. Mais la revendication particulière du marxisme à l’attention des militants LGBT repose sur son efficacité à créer une analyse et une politique sexuelle radicale et multidimensionnelle qui aborde le nationalisme, la race et le genre ainsi que la classe et le capital. En particulier depuis les années 1980, l’inefficacité de plus en plus évidente des formes antérieures d’organisation de la classe ouvrière a poussé les marxistes à prêter attention à d’autres agents potentiels de transformation sociale, tels que les peuples autochtones, les femmes et les personnes LGBT. La réinvention d’une politique de transformation anticapitaliste basée sur la classe ne peut avoir lieu qu’en interaction avec des courants non-exclusivement basés sur la classe, comme les queers radicaux.
Cet article se veut une contribution au développement d’une politique queer de transformation anticapitaliste. Sa première section réinterprète l’histoire de la libération lesbienne/gay de 1968 à 1973, situant cette « parenthèse révolutionnaire » dans l’histoire longue de l’« homosexualité » et dans le processus de formation et d’essor de la normalité gay qui a duré plusieurs décennies. La deuxième section analyse comment, dans les années 1990, dans le cadre d’un remodelage de l’ordre sexuel et de genre sous le néolibéralisme, la normalité gay a presque imperceptiblement écrasé la rébellion des libérationnistes lesbiennes/gays contre le style d’homosexualité des années 1950. Cette section esquisse cinq caractéristiques homonormatives qui définissent le nouveau modèle hégémonique de la normalité gay : l’auto-définition de la communauté lesbienne/gay comme une minorité stable, une tendance croissante à la conformité de genre, la démarcation et la marginalisation des personnes trans et d’autres minorités au sein de la minorité, une intégration croissante dans la nation, et la formation de nouvelles familles lesbiennes/gays normalisées.
Cependant, la même période néolibérale a vu émerger une scène queer alternative, dont les défenseurs rejettent la surconsommation, la respectabilité et la conformité, ce qui les place en opposition à la normalité gay. Ils s’identifient à des communautés plus larges de personnes opprimées ou rebelles, résistent aux normes de genre dominantes, mettent en lumière les différences de pouvoir que l’imaginaire lesbienne/gay dominant tend à éluder, et forment parfois des familles et des communautés alternatives. La troisième section de l’article soutient que, grâce à la résistance queer, le potentiel existe encore pour restaurer et consolider le lien autrefois fort entre transformation sociale et sexuelle, en faisant émerger un agenda de brouillage des frontières sexuelles, de subversion du genre, de promotion de la libération trans, de solidarité mondiale et antiraciste, et de polyamour. L’article conclut par un appel à « queeriser l’avenir » en créant les conditions d’une vie érotique dont les gens rêvent depuis longtemps : une vie sensuelle polymorphe plutôt que génitalo-centré , une vie égalitaire plutôt que possessive.
1968-1973 : Une Parenthèse Révolutionnaire
La normalité gay qui, aujourd’hui , s’intègre de plus en plus à la société capitaliste, est en phase avec « l’homosexualité » telle qu’elle a été inventée à la fin du XIXe siècle. Cependant, elle représente une rupture avec la libération lesbienne et gay telle qu’elle a été définie et défrichée dans les années 1960 et 1970. La libération lesbienne et gay constituait alors une rébellion contre l’homosexualité de son temps.
L’identité homosexuelle qui a commencé à prendre forme dans les décennies suivant la Deuxième Guerre Mondiale n’a jamais été une variante de l’hétéro/homo-binarité inventée à la fin du XIXe siècle. Dans ses formes les plus précoces et ouvrières, elle coïncidait avec « l’inversion sexuelle », une forme d’homosexualité dans laquelle les homosexuels se devaient d’être plus efféminés tandis que les lesbiennes, elles, étaient plus masculines. Néanmoins, la forme la plus entière s’accomplissait à travers celles et ceux qui ne changeaient radicalement ni d’identité de genre, ni de rôle sexuel en adoptant une sexualité lesienne ou et gay. Dans les relations suivant ce schéma, les deux partenaires se considéraient comme des membres d’une même communauté.
Cette nouvelle formation homosexuelle dépendait du développement d’un nouveau régime fordiste d’accumulation capitaliste. La diffusion de l’identité gay, en particulier parmi la masse des ouvriers, a eu lieu dans une large mesure durant ce que les économistes marxistes appellent la longue vague expansive de 1945-1973. Après 1945, l’augmentation des niveaux de vie et le plein emploi dans les pays capitalistes sous l’ordre fordiste ont signifié plus d’opportunités d’emploi pour certaines personnes, y compris certains homosexuels, qui avaient auparavant été marginalisés. La forte augmentation du travail salarié des femmes a commencé à transformer les rôles de genre. « À une époque où les aliments surgelés… les appartements compacts, les innovations modernes et l’indépendance féminine sont à portée de main, il n’y a aucune raison pour qu’une femme doive chercher auprès d’un homme de quoi manger et se loger », écrivait une lesbienne américaine dès 1947. « Jamais auparavant les circonstances et les conditions n’ont été aussi favorables pour celles qui ont des tendances lesbiennes » [07]. Des conditions propices comprenaient également une urbanisation sans précédent, une extension massive de l’éducation et des programmes de protection sociale de l’État, qui réduisaient considérablement la dépendance des gens à l’égard de la famille traditionnelle. À une moindre échelle, l’industrialisation d’une grande partie de l’Amérique latine et de l’Asie s’est reflétée dans l’expansion rapide des scènes LGBT dans des pays comme le Brésil et la Thaïlande.
La nouvelle identité gay s’insérait dans la sexualisation croissante du capitalisme de consommation. Suite à l’essor de la romance hétérosexuelle au XIXe siècle, la société a été sexualisée de manière plus explicite et plus généralisée sous le fordisme dans la seconde moitié du XXe siècle. La « pulsion capitaliste s’empara du désir sexuel comme d’un besoin non-satisfait que le marché pouvait combler ». Dans les années 1980, l’industrie du sexe, définie au sens restreint comme la prostitution et la pornographie, représentait un secteur de plusieurs milliards de dollars. Au-delà de cette définition stricte de l’industrie du sexe, des images ouvertement érotiques, d’hommes et de femmes, étaient utilisées pour vendre tout ce qui était nécessaire à la vie de tous les jours, des jeans aux téléphones [08]. La sexualisation de la vie sous le fordisme n’impliquait pas une érotisation authentique de la vie quotidienne, mais plutôt ce qu’Herbert Marcuse a analysé comme une désublimation répressive, intégrant le sexe dans « le travail et les relations publiques » et le rendant « susceptible de satisfaction (contrôlée) [09]». Elle a ancré la vie sexuelle dans le marché de la consommation et les relations sociales inégales, dont la classe, le genre, la norme hétérosexuelle et la famille comme unité de reproduction et de consommation.
Les fondements de l’identité gay furent modestement posés dans certaines parties de l’Europe de l’Ouest, des Amériques du Nord et du Sud dans les deux décennies suivant la Deuxième Guerre Mondiale via le développement d’une scène commerciale lesbienne/gay et les efforts de petits groupes « homophiles ». Dans les années 1960, il y eut ce qui parut à l’époque être « une expansion spectaculaire de la sous-culture publicitaire », particulièrement dans les grands centres urbains [10]. Au même moment, particulièrement depuis les années 1950, des activistes homophiles majoritairement de classe moyenne comme la COC néerlandaise, la Mattachine Society et les Daughters of Bilitis et l’éditorialiste brésilien Hélio facilitèrent la transition des homosexuels vers des normes de genre plus standards [11]. De ce point de vue, l’identité lesbienne et gay préfigurait déjà la normalité gay d’aujourd’hui.
Mais la grande percée pour l’identité lesbienne/gay dans les années suivant 1968 a été en partie une rupture avec l’homosexualité de classe-moyenne, inspirée par une vision de libération qui, pendant quelques années du moins, se montra inclusive des drag queens, des travailleur.e.s du sexe et des hors-la-loi sexuel.le.s en général. La montée du militantisme révolutionnaire dans le monde capitaliste dans les années 1960 trouva également son expression parmi les lesbiennes et les gays. La libération lesbienne et gay était consciemment inspirée par le féminisme de gauche ainsi que par les luttes noires et anti-impérialistes. À la fin des années 1970 et dans les années 1980, les gays et lesbiennes radicales/aux avaient, au moins, un impact mineur sur la gauche radicale internationale, dont les Sandinistes du Nicaragua, le Parti des travailleurs brésilien et les mouvements anti-apartheid d’Afrique du Sud.
L’explosion de la libération lesbienne et gay avait aussi été anticipée par la rébellion grandissante des drag queens et des travailleurs du sexe, qui affrontèrent la police au Cooper’s Donuts à Los Angeles en 1959, commirent des actes de désobéissance civile au comptoir de Dewey’s lunch à Philadelphie en 1965, et émeutèrent dans et autour de la Compton’s Cafeteria à San Francisco en 1966 [12]. La rébellion de Stonewall en 1969 à New York, un moment fondateur de la libération lesbienne et gay, était l’aboutissement d’une série de révoltes trans liées à une radicalisation sociale plus large. Dans les pays impérialistes, des décennies de luttes menées par les mouvements lesbiennes et gays ont conduit à des victoires – en particulier les lois anti-discrimination (commençant au Canada au Québec en 1977, aux États-Unis à Washington DC en 1973, et en Europe avec la loi française adoptée en 1985) – qui ont rendu possibles pour la première fois dans l’histoire des communautés lesbiennes et gays de masse et ouvertes sur l’extérieur.
À partir de mai 1968 en France, les militant.e.s de gauche commencèrent à jouer un rôle proéminent dans le mouvement gay et lesbien, à travers des collectifs et des publications dans des villes telles que Londres, Los Angeles, New York, Boston, Toronto et São Paulo. Quelques semaines après Stonewall, le Gay Liberation Front se forma à New York en tant que groupe révolutionnaire autoproclamé [13]. Des groupes similaires se constituèrent en 1970-1971 en Argentine, en Grande-Bretagne, en France, au Canada anglophone, au Québec, au Mexique, en Belgique et en Italie. En 1972, seize groupes de dix pays créèrent un réseau international révolutionnaire gay [14]. La nouvelle gauche radicale gay était internationaliste ; dès le début les groupes radicaux gays et lesbiennes prirent part à des actions anti-guerre. Le FHAR [15] en France se démarquait particulièrement par son anti-impérialisme, réagissant aux manières dont l’extrême droite raciste française liait les deux dangers que représentaient l’immigration arabe et l’homosexualité [16].
Les actions de la nouvelle gauche lesbienne et gay marquaient une révolte, au moins temporaire, contre l’identité homosexuelle normative en matière de genre, majoritairement de classe moyenne que les groupes homophiles des années 1950 avaient consolidé. Allen Young, du GLF [17], exigeait : « la fin du conditionnement de genre qui commence à notre naissance » et déclarait que « dans une société libre, tout le monde sera gay » – c’est-à-dire transcendera les catégories d’hétérosexuel et d’homosexuel [18]. La libération lesbienne et gay rejetait alors un modèle de groupe minoritaire en faveur d’une vision de la libération sexuelle universelle.
Les lesbiennes jouèrent un rôle fondamental et visible dans la montée du courant féministe socialiste ; les féministes lesbiennes comprenaient facilement que la liberté et l’égalité pour les lesbiennes nécessitaient l’émancipation des femmes, afin que les femmes aient d’autres choix que le mariage et la dépendance économique vis-à-vis des hommes. Non seulement les lesbiennes, mais même les hommes gays après 1968 mirent l’accent sur le sexisme comme cause fondamentale de leur oppression [19]. Les militant.e.s pour la libération lesbienne et gay se battaient pour un monde dans lequel les femmes auraient autant de pouvoir que les hommes, seraient aussi fortes que les hommes, et joueraient un rôle aussi important dans la vie publique, tandis que les hommes seraient aussi doux et émotifs que les femmes, joueraient un rôle égal à la maison et seraient tout aussi attentifs envers les enfants. Elles utilisaient le drag et le « genderfuck » [20] pour franchir et confondre les frontières de genre. Si la masculinité et la féminité pouvaient être perçues comme des distinctions arbitraires, raisonnaient-ils, une préférence fixe pour un partenaire masculin ou féminin (dans le sexe, l’amour ou la vie) pourrait être considérée comme ni plus normale ni plus étrange qu’une préférence fixe pour les blond.e.s ou les brun.e.s. Dans une culture libérée, tout le monde serait, en principe, ouvert aux liens érotiques avec des hommes ou des femmes, et toute préférence qui pourrait exister perdrait de sa signification sociale. En ce sens, à la fois tout le monde et personne serait gay.
Cependant, à la moitié des années 1970, alors que la Nouvelle Gauche s’effondrait et que ce qu’il en restait se tournait vers le maoïsme et d’autres formes de « construction de parti », les anti-machos avaient largement perdu leur influence parmi les militants gays. Le mouvement gay commença à marginaliser et à exclure les personnes trans et les dissidents de genre qui avaient joué un rôle clé de la révolte de Compton en 1966 jusqu’à Stonewall [21]. Le drag en tant que tel, déjà méprisé par les homosexuel.le.s qui aspiraient à être respectables des années 1950, a de nouveau paru embarrasser dans le contexte de l’imagerie androgyne à la mode pendant une grande partie des années 1970. De nombreux militants pour la libération gay considéraient les personnes trans comme « non libérées ». En 1973, la Marche de San Francisco se scinda en deux, la majeure partie de l’événement bannissant le drag. La même année, une leader trans a été empêchée de force de prendre la parole à la célébration à New York [22]
Néolibéralisme et normalité gay [23]
Aujourd’hui, les vies et les luttes LGBT doivent être replacées dans le contexte du néolibéralisme, la période spécifique du capitalisme dans laquelle le monde est plongé depuis une trentaine d’années. Pendant des décennies, sous le néolibéralisme, l’égalité légale est, selon les mots de Lisa Duggan, « une coquille vide qui cache des inégalités substantielles accrues » [24]. Cette réalité a été dissimulée derrière une « trêve » entre le courant gay dominant et le capital, qui accueille les « consommateurs et professionnels gays en échange de leur acquiescement et de leur accommodation » [25].
Certains queers ont (avec approbation ou critique) affirmé l’existence d’un lien entre l’identité gay et le consumérisme capitaliste, comme lorsque Michael Warner déclarait : « Les hommes gays urbains post-Stonewall empestent la marchandise. Nous exhalons le parfum du capitalisme en rut » [26]. En fait, les décennies de privatisation et de déréglementation néolibérales ont également, dans une certaine mesure, été des décennies de ce qu’Alan Sears a appelé la « déréglementation morale », au cours desquelles certaines des restrictions sexuelles qui faisaient obstacle à l’accumulation du capital ont été supprimées. Cela a facilité la prolifération des clubs, bars, saunas (pour les hommes gays et bisexuels), publications, sites de discussion LGBT et bien plus encore. Il est indéniable que cette libéralisation sexuelle a élargi les possibilités. De nouveaux marchés de niche gays et lesbiens sont devenus le centre dynamique de lieux où hommes et femmes peuvent explorer, exprimer et célébrer leurs désirs homosexuels. Les personnes LGBT de la classe ouvrière dans les pays les plus riches ont bénéficié d’opportunités d’exploration et de plaisir sexuels qui étaient autrefois l’apanage des riches.
Mais quoi qu’en pensent les adeptes du marché queer, la dérégulation morale néolibérale n’a pas seulement élargi les possibilités sexuelles, elle a aussi favorisé de nouveaux types de conformisme. Le monde commercial gay est peut-être vaste, mais il n’est pas un modèle de diversité. Bien qu’il y ait des profits à réaliser sur les marchés de niche LGBT, il y en a beaucoup plus dans des espaces uniformes ciblant les consommateurs avec la demande la plus efficace, où les personnes ayant les mauvais corps, les mauvais vêtements, les mauvaises pratiques sexuelles, le mauvais genre ou la mauvaise couleur de peau sont considérées comme mauvaises pour le marketing et régulièrement exclues. La croissance de la scène commerciale a donc augmenté la stigmatisation et la marginalisation de nombreuses personnes LGBT.
De plus, dans une économie de plus en plus inégalitaire, la participation à une scène commercialisée exige la capacité de payer. Et même lorsque les espaces commerciaux servent de cadre pour des comportements perçus comme transgressifs, l’audace sexuelle est généralement confinée à la « vie privée » et aux « loisirs ». Les débordements qui peuvent être admirés dans un club le samedi soir peuvent causer de gros ennuis au travail ou dans de nombreux quartiers ou centres-villes le lundi matin. Même les personnes qui sont « out » au travail et en public se ghettoïsent généralement elles-mêmes en ce qui concerne toutes sortes d’actions et d’images qui sont centrales pour leur identité LGBT. Tout cela signifie que le néolibéralisme a jeté les bases d’une nouvelle normalité gay. L’homonormativité, selon Duggan, livre « une circonscription gay démobilisée et une culture gay privatisée et dépolitisée ancrée dans la domesticité et la consommation » [27]. L’émergence de couches petite-bourgeoises lesbiennes/gays vivant des vies relativement confortables a favorisé la montée d’idéologies homonormatives dans un coin toléré d’un monde hétéronormatif.
Ce nouvel ordre homonormatif s’inscrit dans un ordre du genre dans lequel la domination masculine directe des femmes est camouflée par des institutions apparemment neutres du point de vue du genre. La famille capitaliste a traditionnellement été un mécanisme permettant à la fois d’inculquer des relations sociales hiérarchiques et autoritaires et de reproduire la main-d’œuvre par le travail non-rémunéré des femmes. Cependant, le néolibéralisme sape de nombreuses façons la domination directe des épouses et des filles par les maris et les pères [28]. Sous le néolibéralisme, le « mandat traditionnel selon lequel les femmes doivent servir les autres » est contredit par l’impératif qu’elles « concurrencent les autres en tant qu’individus pleinement autonomes ». De plus en plus de femmes exercent des responsabilités en tant que cadres d’entreprise, avocates et hautes responsables [29]. Le néolibéralisme sape donc, dans une certaine mesure, l’efficacité de la famille en tant que lieu d’inculcation des hiérarchies traditionnelles. Cela se reflète dans l’impact contradictoire des politiques néolibérales sur les femmes. La prospérité et l’indépendance économique accrues d’une couche de femmes bourgeoises et de la classe moyenne sont soutenues par le travail bon marché d’autres femmes, avant tout noires et immigrées, qui continuent de travailler dans des « ghettos de cols roses » à des salaires nettement inférieurs.
L’institution du mariage a également été remodelée. D’une part, l’État utilise encore le statut marital pour canaliser de nombreux avantages vers les couples, en particulier les plus prospères : avantages en matière d’assurance-vie et exonérations des taxes sur les gains en capital et les successions. D’autre part, en ce qui concerne les prestations sociales et les allocations chômage, l’État néolibéral échappe de plus en plus à ses responsabilités en pénalisant les couples – parfois les couples mariés, parfois tous les couples, mais toujours de manière disproportionnée pour les travailleurs, les personnes à faible revenu et les pauvres.
Alors que les formes d’oppression de genre ont changé sous le néolibéralisme de manière différenciée par la classe, les formes d’hétéronormativité ont également évolué. D’une part, l’expansion du marché a été une bonne nouvelle pour certaines personnes LGBT de la classe moyenne. Cela ne veut pas dire que la vie peut être totalement indolore pour les LGBT dans une société où le désir exclusivement hétérosexuel est la norme ; dans une société hétéronormative, chaque personne LGBT doit affronter un moment où elle prend conscience de sa différence, ce qui peut souvent être traumatisant. Mais l’inconfort de la différence a été atténué parmi certaines couches sociales de la classe moyenne et de la haute classe ouvrière qui ont prospéré dans les années 1980 et 1990, en particulier, mais pas seulement, dans les pays impérialistes. La combinaison de la commercialisation et de la tolérance croissante pour certaines identités gays normalisées a facilité l’imposition de normes qui reconnaissent comme socialement légitimes certaines personnes LGBT et en excluent d’autres. La nouvelle normalité gay n’a pas été absente d’Amérique latine, d’Afrique du Sud, d’Asie de l’Est et du Sud, mais elle y a été particulièrement limitée par la classe et la géographie.
Dans l’ensemble du système capitaliste mondial, l’identité lesbienne/gay a pris de nouvelles formes à partir des années 1980, acquérant une position hégémonique dans une nouvelle formation homosexuelle qui s’intégrait de mieux en mieux dans l’ordre néolibéral émergent. Cinq caractéristiques homonormatives définissaient le modèle hégémonique nouvellement établi : l’auto-définition de la communauté lesbienne/gay comme une minorité stable, une tendance croissante à la conformité de genre, la démarcation et la marginalisation des personnes trans et d’autres minorités au sein de la minorité, une intégration croissante dans la nation, et la formation de nouvelles familles lesbiennes/gays normalisées.
L’auto-définition des lesbiennes et des gays en tant que minorité, s’appuyant sur la consolidation progressive des catégories de gay et hétéro tout au long du XXe siècle, exprimait une réalité sociale qui devenait encore plus prononcée sous le néolibéralisme. Dans la mesure où les lesbiennes et les gays étaient de plus en plus définis comme des personnes qui habitaient un certain espace économique (fréquentaient certains bars, bains discothèques et commerces), ils étaient plus ghettoïsés qu’auparavant, plus clairement démarqués d’une majorité définie comme hétéro. La tendance de nombreux premiers théoriciens de la libération lesbienne/gay à souligner la fluidité de l’identité sexuelle et à spéculer sur une bisexualité universelle s’est estompée à mesure que la réalité matérielle de la communauté devenait plus tranchante. Plus le désir homosexuel était perçu comme le monopole virtuel d’une minorité lesbienne/gay, moins ses manifestations – aussi ouvertes et décomplexées soient-elles – posaient des questions sur le mode de vie de la majorité hétérosexuelle.
Le déclin du jeu de rôle butch/femme chez les lesbiennes et de la culture camp chez les hommes gays a également contribué à renforcer les frontières de genre. Les drag queens, qui avaient joué un rôle de premier plan dans les soulèvements des années 1960, ont constaté dans les années 1970 et plus tard qu’à mesure que la tolérance pour les lesbiennes et les gays en général augmentait, la tolérance pour la non-conformité de genre dans les espaces lesbiennes/gays diminuait. Alors que le déclin du fordisme mettait sous pression les programmes de l’État providence, un nouvel accent mis sur la centralité de la famille freinait le relâchement des normes de genre qui avait caractérisé les années 1960. Ce virage conservateur dans la société en général s’accompagnait d’un déplacement des hommes gays loin des images androgynes et des rares transgressions de genre du début des années 1970. Susan Stryker a identifié 1973 aux États-Unis comme l’année où le « look clone » masculin en denim, carreaux et coupes de cheveux courtes a remplacé le chic radical hippie/fée, signalant le retour d’un style gay masculin plus conforme au genre [30].
Au sein de l’establishment médical, une plus grande volonté d’accepter l’homosexualité comme non intrinsèquement pathologique allait de pair avec un accent plus marqué mis sur la non-conformité de genre, distinguant et isolant les personnes trans des gays. Bientôt, la pathologisation des personnes trans s’est étendue, lorsque l’édition 1980 du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) de l’American Psychiatric Association – la première à paraître depuis l’édition de 1973 qui avait retiré l’homosexualité de la liste – a ajouté la nouvelle catégorie de Trouble de l’Identité de Genre (TIG). L’intérêt croissant de la profession médicale pour « essayer de comprendre, d’ingénier et de réparer le genre » était en partie « une tentative de remettre le génie féministe dans sa bouteille » [31]. Les communautés lesbiennes/gays se définissaient de plus en plus de manière à marginaliser, voire à exclure complètement, les personnes trans et d’autres non-conformistes visibles. Dans les années 1990, la consolidation de la nouvelle identité lesbienne/gay, combinée à la persistance obstinée de la non-conformité de genre dans les communautés homosexuelles, a accéléré la définition d’identités trans distinctes, avec l’usage courant du terme « transgenre ».
Aux côtés de la démarcation en tant que minorité stable, de la conformité croissante aux normes de genre et de la séparation des gays et des trans, une quatrième caractéristique de la nouvelle normalité gay a été l’incorporation croissante de certaines lesbiennes et de certains hommes gays dans la nation impérialiste. La surconsommation bourgeoise/gay a acquis une dimension impériale à travers le marché touristique. Le tourisme incarne les contradictions dans la vie des personnes qui passent une grande partie de leur temps éveillé à travailler pour un salaire, qu’elles valorisent en grande partie pour la capacité qu’il leur confère de s’échapper. Mais les loisirs, comme le travail, ont des dimensions de classe et de race, pour les personnes LGBT – présentées de manière intéressée par l’industrie touristique gay comme des TurboConsumers™ – comme pour les autres [32]. La précarisation du travail salarié et la croissance du secteur informel dans les pays dépendants sous la mondialisation néolibérale incluent l’expansion du commerce du sexe. L’internationalisation économique inclut l’essor du tourisme sexuel international, dans deux directions : l’arrivée de touristes en provenance de pays impérialistes profitant de rapports sexuels bon marché et l’arrivée dans les pays impérialistes de travailleurs du sexe. Les immigrés sans papiers forment une forte proportion des travailleurs du sexe dans une grande partie de l’Europe ; les personnes trans forment une forte proportion des travailleurs du sexe homosexuels presque partout. L’exclusion quasi totale des personnes trans de la plupart des secteurs d’emploi formel est l’une des raisons de cette situation. Et l’industrie touristique, qui cible de manière disproportionnée les voyageurs à revenus élevés, est de plus en plus centrale dans de nombreuses économies, renforçant ainsi la centralité de la consommation de luxe en général sous le néolibéralisme.
Dans un ordre impérial, l’identité de genre et la sexualité sont étroitement liées, surtout pour les hommes. La masculinité a été définie dans les sociétés féodales et capitalistes pendant des siècles par une propension positivement valorisée à la violence, que ce soit dans l’armée ou sous forme sublimée dans le sport. L’incompétence au combat et au sport et l’exclusion de l’armée étaient donc des marqueurs d’hommes insuffisamment masculins – tandis qu’une compétence ou une carrière militaire atypique était un marqueur de femmes insuffisamment féminines. L’exclusion de l’armée, et donc des rangs des citoyens masculins à part entière, a souvent été l’une des dernières formes de discrimination à disparaître. Elle a par exemple été explicitement réaffirmée lorsque l’homosexualité a été dépénalisée en Grande-Bretagne en 1967 (et seulement levée en 2000), et perpétuée dans la politique curieusement contradictoire du président américain Bill Clinton, don’t ask, don’t tell [33], adoptée en 1993 et levée seulement en 2011.
La demande d’élimination des discriminations fondées sur l’orientation sexuelle dans l’armée a été un élément constitutif d’une nouvelle homonormativité nationaliste. Cela a été particulièrement évident en Israël, où l’inclusion des hommes gays juifs dans l’armée était un marqueur de leur incorporation dans le projet sioniste – ce qui, on peut le comprendre, n’était pas vu d’un bon œil par les queers palestiniens. Plus généralement, au XXIe siècle, l’instrumentalisation des droits des lesbiennes/gays au service des idéologies impérialistes et islamophobes, que Jasbir Puar a définie comme « l’homonationalisme », a aidé à intégrer les lesbiennes/gays dans l’ordre néolibéral [34]. Ceci en particulier dans des pays comme les Pays-Bas et le Danemark, où les droits des partenariats de même sexe et le racisme anti-immigrés sont fortement développés, cet homonationalisme a été essentiel pour domestiquer l’identité lesbienne/gay.
Les États-Unis ont également vu émerger une droite gay homonationaliste. Pendant les années de la guerre froide, l’armée américaine était devenue un pilier du libéralisme racial, symbolisé par l’ascension de Colin Powell à sa tête, et même d’un certain type de féminisme, incarné dans l’administration de George W. Bush par Condoleezza Rice. L’impérialisme a acquis une dimension de genre, dépeignant les femmes aux États-Unis comme des « sauveuses et libératrices » de femmes opprimées ailleurs – surtout des femmes musulmanes, dans le cadre de l’islamophobie du « choc des civilisations » ou de la « guerre contre le terrorisme ». L’Europe et l’Amérique du Nord sont aujourd’hui présentées comme porteuses de l’émancipation sexuelle – principalement des droits des femmes, et dans une moindre mesure des droits LGBT – pour un monde islamique considéré comme obscur et arriéré. L’idéologie impérialiste a toujours eu une dimension sexuelle. La nouveauté est qu’elle comporte désormais une dimension homosexuelle. L’orgie générale de patriotisme aux États-Unis après le 11 septembre a également touché les communautés LGBT américaines : « Le drapeau américain est apparu partout dans les espaces gays, dans les bars gays et les salles de sport gays, et les défilés de la gay pride ont inclus le serment d’allégeance, le chant de l’hymne national et des chars dédiés à l’unité nationale ». De nombreux.ses gays et lesbiennes de la classe moyenne ont également répondu aux appels à sauver les États-Unis en continuant à acheter, « faisant de ce consommateur homonational un patriote américain par excellence » [35].
Une cinquième caractéristique, de plus en plus centrale, de la nouvelle normalité gay est le rôle du mariage homosexuel. Alors que les droits de se marier et d’adopter des enfants apportent des avantages immédiats, pratiques et cruciaux aux couples de même sexe issus de nombreux milieux sociaux, ils peuvent constituer l’aboutissement de l’intégration de certaines personnes gays dans l’ordre productif et reproductif du capitalisme genré. La revendication de ces droits est une demande d’égalité mais aussi, dans certains cas, d’égalité des privilèges de classe et de race [vis-à-vis de leurs semblables hétérosexuels NDT].
Les coupes néolibérales des services sociaux, en privatisant la fourniture des besoins essentiels, ont restauré la centralité de l’unité familiale dans la reproduction sociale de la main-d’œuvre – selon une modalité de classe. Le mariage ou le partenariat homosexuel légal peut dans ce contexte garantir non seulement des avantages indispensables aux couples de même sexe en général, mais aussi des avantages spécifiques pour les lesbiennes et gays de la classe moyenne et de la classe ouvrière plus aisée. Une étude canadienne a montré que la reconnaissance légale des partenariats de même sexe a entraîné, en moyenne, une augmentation des revenus pour les personnes LGBT à revenu élevé et une diminution des revenus pour celles à faible revenu. Ce schéma se corrèle également avec la race [36]. La restriction de la reconnaissance étatique des relations de même sexe aux couples produit de nouvelles formes d’exclusion : pour ceux qui dépendent le plus de l’État providence dans des pays comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne et les Pays-Bas, la reconnaissance légale de leurs partenariats peut entraîner des réductions de prestations [37]. La consolidation des partenariats peut renforcer l’inégalité au sein des couples et entre les couples : une étude menée à San Francisco dans les années 1990 a démontré la réalité d’une division inégale du travail à la maison [38].
Les lesbiennes et gays les plus aisés ayant des enfants peuvent désormais, comme beaucoup des parents les plus prospères en général, « externaliser le soutien et les soins » [39]. Ceux qui fournissent les soins aujourd’hui sont naturellement susceptibles d’être des immigrés et/ou des personnes non-blanches. En général, à mesure que le nombre d’enfants élevés dans des foyers dirigés par des couples de même sexe augmente, le mariage homosexuel et l’adoption peuvent servir à légitimer et à réglementer le rôle croissant des couples lesbiens et gays dans la production, la consommation et la reproduction sociale.
Si le néolibéralisme a créé les conditions pour la nouvelle constellation spécifique de la normalité gay, l’impact antisocial du néolibéralisme a donné à de nombreuses personnes LGBT des raisons de la remettre en question. Contrairement à de nombreux discours anti-gays, les couples prospères ciblés par les magazines lesbiens/gays de luxe n’ont jamais été représentatifs des LGBT en général. Une étude récente aux États-Unis a montré qu’en 2013, 39% des adultes LGBT avaient un revenu inférieur à 30 000 dollars, contre 28% des adultes en général [40]. Les personnes trans sont encore plus mal loties : une étude de 2006 a révélé qu’à San Francisco, 60% d’entre elles gagnait moins de 15 300 dollars par an, seulement 25% avait des emplois à temps plein et près de 9% n’avait aucune source de revenus [41].
L’aliénation a augmenté, chez les personnes LGBT moins privilégiées, vis-à-vis de la scène gay commerciale. Des scènes alternatives se sont multipliées. Au sein de certaines d’entre elles, une identité queer s’est cristallisée, perçue au moins partiellement comme en opposition à l’homonormativité. La scène queer traverse les clivages de classe : il y a certainement des queers de la classe moyenne, y compris un nombre disproportionné d’étudiants et d’universitaires. Mais l’atmosphère de classe de la scène queer, bien que pas tout à fait ouvrière, est différente de celle de la scène commerciale. Le rejet queer dominant de la surconsommation, de la respectabilité et de la conformité place les queers en opposition à la normalité gay néolibérale. Et les espaces queers offrent plus de place, ou du moins de solidarité, aux LGBT perdant.e.s du néolibéralisme, à celles et ceux qui forment une sous-culture offensive sur le genre et autres queers.
Diverses communautés de dissidence sexuelle, telles que les personnes trans de plus en plus militantes dans une grande partie de l’Amérique latine et de l’Asie du Sud et du Sud-Est, sont devenues plus visibles et audibles. Bien qu’elles aient tardé, au début, à adopter l’étiquette « queer », celle-ci est devenue de plus en plus courante au XXIe siècle, du moins dans les milieux universitaires LGBT en Asie. Elle est également devenue populaire à Taïwan dans les années 1990 avant d’être adoptée en République populaire de Chine au XXIe siècle. En Inde, en 2002, le groupe lesbien Stree Sangam a changé son nom en LABIA et sa définition en tant que « collectif queer et féministe de femmes lesbiennes, transgenres et bisexuelles » [42].
Les identités sexuelles et de genre non-conformistes qui ont émergé parmi des couches plus marginalisées à l’échelle mondiale ont eu tendance à être non-homonormatives : à s’identifier à des communautés plus larges de personnes opprimées ou rebelles, à résister aux normes de genre dominantes, à mettre en lumière les différences de pouvoir que l’imagerie lesbienne/gay dominante tend à occulter, et/ou à former des familles et des communautés alternatives. La génération queer a notamment eu tendance à jouer avec les questions de genre, d’inégalité et de différence de pouvoir de manière à exposer leur artificialité et à faciliter leur subversion.
Les contradictions de genre et de pouvoir ont été particulièrement visibles dans les sous-cultures trans et de transgression de genre depuis les années 1990. Les jeunes trans – qui se disent de plus en plus « genderqueers » – sont plus susceptibles d’adopter des identités de genre ni féminines ni masculines. Cette flexibilité est intégrée à la définition même du terme « transgenre » ; le terme n’est pas simplement une autre manière de dire « transsexuel », mais englobe tout un spectre de diversité de genre. Les personnes trans identifiées queer ne rejettent pas nécessairement les traitements hormonaux ou la chirurgie, par exemple, mais elles peuvent être sélectives dans ce qu’elles choisissent ou ne choisissent pas pour elles-mêmes. Le résultat peut être des « corps intermédiaires, quelque part entre féminin et masculin » [43].
Transformation queer
La crise actuelle du capitalisme peut être utilisée, et est en train d’être utilisée, pour redonner une dimension utopique à la politique LGBT. Pourtant, une alternative queer anticapitaliste n’a pris forme que de façon limitée. Même aujourd’hui, alors que le capitalisme néolibéral tel qu’il a pris forme ces dernières décennies est clairement en crise, les organisations LGBT ne nouent que rarement des liens solides avec le mouvement ouvrier ou la gauche politique. Cela ne pouvait guère être attendu alors que la gauche et les travailleur.e.s sont globalement dans un état de désarroi profond, et que même les nouveaux courants activistes qui ont émergé en réponse à la crise, comme les jeunes Arabes insurgés, les indignad@s espagnols et Occupy, sont si assiégés.
Heureusement, il y a encore beaucoup de personnes LGBT que la droite et le centre lesbien/gay ne sont pas prêts d’intégrer. La classe et la race sont évidemment des facteurs cruciaux qui séparent de nombreuses personnes gays normalisées de la nouvelle droite gay. La plupart des personnes LGBT sont des travailleur.e.s – au sens large du terme, elles doivent travailler pour un employeur pour survivre – et beaucoup se révoltent contre les limites des pratiques politiques de groupes lesbiens/gays issus de la classe moyenne. L’impérialisme est un autre facteur clé de politisation des personnes LGBT. Même la répression parfois intense que subissent les personnes LGBT dans des pays comme le Liban et la Palestine ne parvient pas à convaincre la plupart d’entre elles de se ranger du côté des forces « libérales » américaines, israéliennes et européennes qui assaillent leurs nations.
Une résistance queer large au néolibéralisme et à la normalité gay devra prendre des formes très diverses à mesure qu’elle grandira dans des contextes et des circonstances différentes. Aucune identité, idéologie ou courant politique ne peut ou ne doit la dominer. Elle doit laisser de la place aux personnes qui se définissent comme lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, intersexes ou queers, aux anarchistes, écologistes, sociaux-démocrates militant.e.s, féministes de gauche et antiracistes, et bien plus encore. De plus en plus, cependant, la radicalité queer se définit comme non seulement anti-néolibérale mais aussi anticapitaliste. Cela n’implique pas de souscrire à une quelconque feuille de route d’une alternative socialiste, encore moins de suivre la direction de quelque organisation que ce soit. Cela implique plutôt d’accepter le poids croissant des preuves que les politiques néolibérales ne sont pas simplement erronées ou le résultat d’un avantage temporaire des forces de droite, mais plutôt le résultat, en cette période prolongée de crise, de la logique systémique inhérente du capitalisme mondial : le capital a répondu à ses crises depuis les années 1970 par une offensive structurelle mondiale qui a réussi à lui conférer « une flexibilité, une mobilité et un pouvoir concentré croissants » [44]. Cette réalité confère aux marxistes queers un rôle clé et spécifique à jouer au sein de l’éventail émergent de courants queers anticapitalistes.
La transformation queer devra progresser dans différents domaines, en mobilisant différents niveaux, à l’aide d’un éventail de tactiques différentes. Elle ne sera pas possible tant que « les questions culturelles et d’identité seront séparées, analytiquement et organisationnellement, de l’économie politique dans laquelle elles sont ancrées » [45]. Pour parvenir à une libération sexuelle complète, une politique queer devra contester et prendre le pouvoir au niveau de l’économie, de l’État et d’autres lieux où le pouvoir est concentré, en embrassant un projet stratégique à dimensions multiples. D’une part, les mouvements sociaux plus larges, basés sur la classe et autres – comme les luttes pour les soins de santé et les luttes ouvrières – ainsi que l’arène politique peuvent et doivent être « queerisés » afin de façonner une dimension sexuelle vitale de la transformation sociétale. D’autre part, les mouvements queers autonomes doivent étendre et radicaliser leur assaut contre l’homonormativité liée au néolibéralisme. Comme noté ci-dessus, la nouvelle normalité gay a cinq caractéristiques. Les impératifs clés d’une politique sexuelle queer radicale peuvent être identifiés en opposition à ces cinq caractéristiques, point par point.
L’ordre sexuel et familial prédominant est structuré, sous le capitalisme genré, en ayant la grande majorité d’enfants élevés et socialisés par au moins un parent biologique dans des familles formées par des couples hétérosexuels liés sexuellement et romantiquement. Ce sont les familles dans lesquelles la grande majorité des enfants LGBT grandissent. Les vies LGBT dans cette situation impliquent un choix constant – ou, plus précisément, une combinaison variable – entre adaptation et ghettoïsation. La plupart des personnes LGBT ne peuvent survivre, et encore moins prospérer, qu’en travaillant dans des entreprises ou institutions hétéronormatives, et si possible en s’appuyant sur les réseaux familiaux hétérosexuels. Mais le travail et la vie familiale de ce genre impliquent une adaptation constante à des environnements hétéronormatifs. Ainsi, la plupart des personnes LGBT échappent aux formes dominantes de travail, de famille et de loisirs ou les complètent par une vie dans un monde LGBT séparé. La normalité gay combine la vie dans un monde hétéronormatif avec un repli dans un ghetto LGBT. Pour échapper à cela, une politique radicale queer doit envisager un avenir au-delà du binaire gay/hétéro.
Même aujourd’hui, une politique sexuelle queer peut commencer à brouiller les frontières du binaire. Les queers radicaux défient les frontières sociales entre gays et hétéros – simplement en agissant sexuellement dans des contextes hétéronormatifs, par exemple en s’embrassant langoureusement dans des bars de célibataires hétéros. En même temps, être queer n’implique pas nécessairement une orientation sexuelle unilatérale et immuable. Le désir et le comportement sexuels sont fluides, changeant dans la vie de nombreuses personnes au fil du temps et dans des circonstances différentes. Ainsi, la flexibilité tactique dans la proclamation de l’identité sexuelle, par opposition à un impératif rigide de « faire son coming out » de minorité, peut être un autre moyen de brouiller le binaire gay/hétéro. De nombreuses personnes LGBT dans le monde se sentent libres d’exprimer leurs désirs homosexuels dans un milieu LGBT sans avoir une identité uniforme et immuable. Haneen Maikey du groupe LGBT palestinien Al Qaws est allée jusqu’à rejeter la division entre LGBTQ et allié.e.s, écrivant que l’objectif d’Al Qaws n’est pas de « construire des ponts entre la communauté LGBTQ et la société, mais de nager dans la même rivière pour changer son cours ensemble » [46]. Dans les communautés noires et immigrées des pays impérialistes, également, il devrait y avoir à la fois de la place pour une tactique consistant à travailler discrètement au sein des familles et communautés existantes et pour celle consistant à revendiquer une identité publique LGBT, même au risque de se couper de ses familles et communautés ethniques. Une stratégie puissante peut être fondée sur une multiplicité de tactiques, toutes visant à créer un monde érotisé de « perversité polymorphe ».
Un deuxième axe de transformation queer est la subversion du genre, qui structure la reproduction de la famille hétéronormative, des êtres humains en tant que producteurs et donc du capitalisme dans son ensemble. De toute évidence, les femmes et les mouvements de femmes sont des agents centraux dans ce projet, les lesbiennes y jouant un rôle clé. La liberté reproductive, telle que l’ont définie les féministes de gauche à partir des années 1970, incluait l’autodétermination sexuelle. Le défi posé par la gauche féministe au néolibéralisme, à travers l’exigence de meilleures conditions de travail salarié et d’une plus grande valorisation du travail du soin peut converger avec les efforts LGBT pour construire des ménages et des communautés alternatives fondés sur des valeurs plus humaines et plus expansives que le lien romantique au service de la réussite sur le marché. En même temps, de nombreuses féministes de la troisième vague sont de plus en plus sensibles au fait que le genre puisse en fait être historique, variable et contingent, et qu’il soit arbitraire de « réduire l’éventail des types de corps viables à deux genres et seulement deux » [47].
Défier les frontières de genre peut ainsi aider à ouvrir la voie à des communautés queers plus inclusives. Dans le monde dépendant [48] en particulier, la diversité des communautés LGBT a abouti à un modèle d’alliance organisationnelle en tant qu’alternative au modèle d’une organisation large et unifiée. Des alliances changeantes entre groupes autonomes peuvent faciliter le développement d’une conception véritablement queer d’une sexualité « multiple, malléable, dynamique » [49]. Les questions trans en particulier sont de plus en plus centrales aujourd’hui, étant donné l’importance disproportionnée et croissante des schémas trans dans les pays dépendants, en particulier parmi les personnes les plus pauvres. Dans les pays impérialistes également, les questions trans étaient, à la fin des années 1990, considérées comme avant-gardistes. Les luttes pour une interdiction de la discrimination en raison de l’identité de genre, l’accès complet aux soins médicaux librement choisis, des écoles et des foyers sûrs et accueillants pour les jeunes trans, une protection contre le viol et d’autres formes de violence en prison, des toilettes sûres et des pronoms neutres en matière de genre pour ceux qui ne s’identifient ni comme hommes ni comme femmes peuvent rapprocher tout le monde d’un monde dans lequel la signification sociale des distinctions de genre est bien moindre, et où les différentiels de pouvoir fondés sur le genre disparaissent complètement. Cela suggère que les catégories de lesbienne/gay, bisexuel et hétéro, et même les catégories de masculin et féminin, peuvent déjà perdre une partie de leur centralité pour la politique sexuelle.
Un quatrième axe de la transformation queer est la solidarité à travers les frontières raciales et nationales. Les personnes LGBT dans le monde d’aujourd’hui ont convergé suffisamment pour avoir une certaine réelle base commune, qui constitue un fondement objectif pour la solidarité. Pour les anticapitalistes, la solidarité repose sur la compréhension de base que toutes les personnes opprimées sont en butte à un ordre néolibéral mondial, qui ne peut être efficacement combattu et vaincu que par une contre-attaque mondiale unifiée. Parce que le capitalisme a maintenant conquis toute la planète, l’opposition à celui-ci doit tenir compte de « l’interpénétration des arrangements locaux avec les structures globales du capital » [50]. En d’autres termes, la vie sexuelle des êtres humains dans le monde doit être comprise comme faisant partie d’une totalité mondiale, et en même temps comme surdéterminée par une large gamme de facteurs locaux.
Cependant, d’amères expériences nous ont appris que l’unité mondiale, si elle ne veut pas dissimuler son contrôle par les blancs européens et nord-américains, doit être basée sur l’autonomie et le leadership des noirs, des personnes d’origine immigrée et des habitants des pays économiquement dominés. Les appels traditionnels de la classe ouvrière et des socialistes à s’unir dans des mouvements internationaux et multiraciaux ont de plus en plus été perçus comme eurocentristes. La question a même été posée de savoir si parler de totalité – du système mondial dans son ensemble – implique nécessairement un « universalisme impérial, américain » [51]. La question peut et doit être inversée, cependant : est-il possible de défier efficacement un universalisme impérial et eurocentrique sans construire une alliance puissante, anti-impérialiste et anti-eurocentrique ? Les chercheurs queers racisés, en particulier aux États-Unis et en Grande-Bretagne, ont fait un excellent travail pour exposer les dynamiques racistes et eurocentriques au sein des études queers et des communautés LGBT. Il reste à démontrer la pleine centralité de l’antiracisme aux luttes anticapitalistes mondiales aujourd’hui.
Les queers de la gauche radicale ont de plus en plus fait de la solidarité avec les LGBT noirs et immigrés une priorité, comme lorsque Judith Butler a refusé en 2010 le Prix du courage civil (Civil courage prize) qui lui était décerné par le comité du Christopher Street Day de Berlin pour se distancer de la « complicité avec le racisme, y compris le racisme anti-musulman » [52]. Pour de nombreux queers dans le monde, la lutte palestinienne est également un combat contre l’auto-légitimation d’Israël mettant en avant les droits des lesbiennes/gays en Israël (« pinkwashing »), une lutte menée par la coalition Palestinian Queers for BDS (boycott, désinvestissement et sanctions). Le groupe LGBT libanais HELEM, insistant sur le fait que « la libération sexuelle ne peut être obtenue par l’impérialisme [ni] détachée de la lutte plus large pour la démocratie », a rejoint en 2003 les mobilisations libanaises contre la guerre en Irak, et en 2006 a rejoint le mouvement de solidarité populaire contre l’invasion israélienne du Liban ; le centre communautaire LGBT de Beyrouth s’est intégré au centre de premières urgences le plus actif de Beyrouth [53]. De nombreux Africains organisant la lutte contre les lois anti-LGBT ont en même temps rejeté l’utilisation de telles lois comme prétextes pour des réductions d’aide, qui, en ignorant l’agency [54] des mouvements LGBT africains, créent « le risque réel d’un grave retour de baton », « renforcent les dynamiques de pouvoir disproportionnées entre les pays donateurs et récipiendaires », et contribuent à couper les LGBT de la société civile plus large [55].
Un cinquième axe de transformation queer, face à la construction de familles nucléaires gays normalisées, est l’organisation des vies personnelles et domestiques de manière plus libre, plus flexible et plus ouverte à la communauté au sens large. Une tactique – souvent la seule disponible pour les personnes trans dans de nombreux pays – consiste à former ou à rejoindre des ménages et des communautés alternatifs de dissident.e.s sexuel.le.s, comme les hijras [56] d’Asie du Sud ou les jeunes fugueurs à New York. Une autre tactique préférée par beaucoup, en particulier dans les pays dépendants où les personnes LGBT dépendent souvent de leurs familles d’origine pour survivre, est le queerisation moléculaire : le processus d’infiltration de l’intimité queer dans les familles existantes tout en essayant d’éviter les ruptures complètes. Des exemples incluent des parents qui ont invité l’amant masculin de leur fils à emménager avec eux, de la Chine aux townships noirs d’Afrique du Sud en passant par les favelas brésiliennes.
Enfin, les queers qui ne choisissent ni de continuer à vivre dans leurs familles d’origine, ni ne sont contraints à vivre dans des communautés sexuellement hors-la-loi, s’engagent dans un processus quotidien d’expérimentation avec d’autres manières de structurer leurs familles. Les discussions sur la libération sexuelle dans les milieux queers se concentrent de plus en plus sur l’idée de polyamour, de « relations intimes et sexuelles (généralement à long terme) avec plusieurs partenaires simultanément » [57]. Ses défenseurs reprennent l’appel précoce à la non-monogamie de la libération lesbienne/gay, tout en étant moins sujets à la récupération par le sexe commercialisé à la demande parce qu’ils insistent davantage sur les liens émotionnels continus.
Un projet de queerisation de l’intimité et de la domesticité devrait être la matrice de base des positions queers sur les unions légales de même sexe, en défiant l’inégalité du mariage hétéronormatif tout en allant au-delà du mariage en tant que stratégie de promotion de la classe moyenne dans la société néolibérale. Le défi consiste à exiger des changements dans les lois sur le partenariat qui vont au-delà de la réforme, en concevant un défi à l’inégalité des droits au mariage qui remet également en question les inégalités plus larges dont le mariage fait partie intégrante. Cela signifie par exemple se battre pour le droit à la procréation médicalement assistée, pour des droits parentaux automatiques pour toutes les co-mères dès la naissance, pour un soutien aux enfants par la communauté dans son ensemble, pour dissocier les droits et responsabilités de la parentalité sociale de la paternité biologique, et pour des droits individuels aux soins, aux prestations sociales ou à la résidence légale pour les personnes LGBT qui ne sont pas en couple et ne souhaitent peut-être pas être en couple. À plus long terme, une approche queer radicale devrait conduire à la désinstitutionnalisation du mariage et à la création d’un « statut d’union intime expressément conçu pour protéger les soins intimes sous diverses formes » [58].
En même temps, la transformation queer ne peut être un projet purement personnel ou culturel ; elle nécessite une transformation sociale que les personnes LGBT ne peuvent réaliser seules. Les queers ont besoin d’allié.e.s. Les anticapitalistes queers sont une composante naturelle des « 99% » que des mouvements comme Occupy et les indignad@s ont tenté de rallier contre la crise. Pour être les allié.e.s efficaces d’une politique queer, les mouvements sociaux plus larges, basés sur la classe et autres, doivent être queerisés : ouverts aux personnes queers, au leadership queer, aux questions queers et aux approches queers de l’organisation. Seuls des mouvements queerisés peuvent répondre aux besoins fondamentaux des LGBT, comme le logement pour les relations queers et la sécurité et l’indépendance des jeunes queers.
Les mouvements autour des soins, d’ACT UP à la Treatment Action Campaign sud-africaine, ont été des exemples remarquables de mouvements sociaux queerisés. ACT UP a transformé la façon dont les médicaments étaient testés et approuvés aux États-Unis, a obtenu une protection pour les personnes séropositives en vertu de l’Americans with Disabilities Act, et a inspiré l’organisation radicale anti-SIDA dans le monde entier. TAC s’est appuyée sur les liens antérieurs entre l’activisme LGBT et anti-apartheid pour obtenir un accès sans précédent aux médicaments anti-VIH pour les Sud-Africains pauvres et à faible revenu, et est devenue un acteur central dans la lutte contre les brevets pharmaceutiques détenus par des multinationales. À l’échelle locale, le groupe Queers for Economic Justice de New York, fondé en 2002, a été un exemple unique d’une manière queer alternative de s’organiser, visant à « défier et changer les systèmes qui créent la pauvreté et l’injustice économique dans nos communautés » en abordant et en queerisant un large éventail de questions sociales comme le logement [59].
Au-delà de ces mouvements, puisque la classe ouvrière au sens large est indispensable à la transformation sociale, l’activisme syndical doit aussi être queerisé. Cela peut impliquer une organisation liée au travail que les syndicats existants ne prennent pas encore en charge – dans le commerce du sexe, par exemple. L’organisation syndicale radicale queer exigera le rejet de « l’économicisme étouffant » de la plupart des syndicats, et la construction d’une « culture de classe avec des dynamiques très différentes », d’un « monde social alternatif » avec une « culture politique transformatrice » [60].
Queeriser l’avenir
Une véritable liberté pour les LGBT impliquerait nécessairement des transformations radicales affectant bien plus de personnes que les seul.e.s LGBT. Plus précisément, elle nécessiterait une reconfiguration de la vie sexuelle qui abandonne le fondement de l’orientation sexuelle ou de la « sexualité » de chaque individu sur le sexe biologique ; une transformation des unités domestiques de base fondée sur l’abolition du genre tel que nous le connaissons ; un dépassement de la hiérarchie mondiale des nations et des « races » ; et une réouverture des horizons de la gauche pour rendre possible, à nouveau, une remise en cause des paramètres du capitalisme.
Les sexualités alternatives et non homonormatives d’aujourd’hui posent souvent un défi, au moins implicitement, à la réification du désir sexuel que les catégories de lesbienne, gay, bisexuel et hétérosexuel incarnent. Le radicalisme queer doit aiguiser cette remise en cause et la rendre explicite, de manière à contester le consumérisme qu’implique la normalité gay. Tout comme il convient de remettre en question les fantasmes des consommateurs sous le néolibéralisme, selon lesquels l’obtention de « bons » produits de consommation garantit leur bonheur, il convient de contester l’illusion romantique qui définit les individus et leur bonheur sur la base d’une quête du « bon » partenaire, et en particulier d’un partenaire du « bon » genre. Notre attitude à l’égard de toutes les identités sexuelles devrait inclure la reconnaissance de la nécessité de les « désapprendre » : comprendre leurs racines et leurs limites historiques et matérielles, et de les dépasser pour aller vers des modes de vie et d’amour plus expansifs [61].
Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons commencer à créer les conditions de possibilité d’une vie érotique dont les gens rêvent depuis longtemps : une vie sensuelle polymorphe plutôt que génitalo-centré, une vie égalitaire plutôt que possessive. Cela signifie replacer la vie sexuelle dans la vaste panoplie de l’affection et de la connexion humaines. Cela signifie qu’il faut insuffler de la beauté et de l’énergie érotique aux activités productives et reproductives humaines en général. Et cela signifie briser la binarité gay/hétéro, de sorte que le désir homosexuel se fonde dans un univers de désirs plus large, accueilli et compris dans toute sa diversité et sa banalité.
Une nouvelle politique queer radicale exigera à la fois la radicalisation d’un large segment des personnes LGBT et l’adhésion d’une grande partie du milieu queer radical à une conception plus large de la révolution sociale et politique. Si la gauche queer peut relever ces défis, elle peut apporter une contribution vitale à la renaissance de l’espoir dans un monde qui en a terriblement besoin – l’espoir d’échapper enfin aux contraintes de la crise et de la violence néolibérales, pour accéder à un monde de plaisirs omniprésents et de véritable liberté. Dans la lutte pour ce monde nouveau et meilleur, la gauche queer peut veiller à ce que le processus de transformation soit durablement inspiré par l’amour précieux des camarades.
Notes
[01] D’Emilio, John, 2002, The World Turned: Essays on Gay History, Politics, and Culture, Durham, NC : Duke University Press, p. 9 ⤴️
[02] Weeks, Jeffrey, 2007, The World We Have Won: The Remaking of Erotic and Intimate Life, Londres : Routledge. ⤴️
[03] Concept développé par Susan Faludi dans le livre éponyme : Backlash. The Undeclared War Against American Women pour désigner le retour de bâton anti-féministe des années 1980 et 1990 aux Etats-Unis. NDT ⤴️
[04] Herzog, Dagmar 2011, Sexuality in Europe: A Twentieth-Century History, Cambridge : Cambridge University Press, p. 1 ⤴️
[05] Duggan, Lisa 2002, « The New Homonormativity: The Sexual Politics of Neoliberalism », in Castronovo et Nelson (éds.), p. 179 ⤴️
[06] Une version antérieure de l’argumentation présentée dans cette section a été publiée sous le titre Drucker, Peter 2011, « The Fracturing of LGBT Identities under Neoliberal Capitalism », Historical Materialism, 19, 4 : 3-32, en particulier pp. 11-26. ⤴️
[07] Faderman, Lillian 1991, Odd Girls and Twilight Lovers: A History of Lesbian Life in Twentieth-Century America, New York : Penguin, p. 129 ⤴️
[08] D’Emilio John, Estelle B. Freedman 1997, Intimate Matters: A History of Sexuality in America, Chicago : University of Chicago Press, pp. 327-9 ⤴️
[09] Marcuse, Herbert 1964, One-Dimensional Man: Studies in the Ideology of Advanced Industrial Society, Boston : Beacon Press, p. 75 ⤴️
[10] Weeks, Jeffrey 1981, Sex, Politics and Society: The Regulation of Sexuality since 1800, Londres : Longman, p.286 ⤴️
[11] Warmerdam Hans, Pieter Koenders 1987, Cultuur en Ontspanning: Het COC 1946–1966, Utrecht : Interfacultaire Werkgroep Homostudies, pp 125, 153,169 ; Floyd, Kevin 2009, The Reification of Desire: Toward a Queer Marxism, Minneapolis : University of Minnesota Press, pp 167-8 ; d’Emilio 1989, p.460 ; Green, James N. 1999, « “More Love and More Desire”: The Building of a Brazilian Movement », in Barry D. Adam, Jan Willem Duyvendak et André Krouwel (éds.), The Global Emergence of Gay and Lesbian Politics: National Imprints of a Worldwide Movement, Philadelphie : Temple University Press, 1999, pp.190-2 ⤴️
[12] Stryker, Susan 2008, Transgender History, Berkeley : Seal Press, pp. 53-5, 59-65 ⤴️
[13] D’Emilio 1983, pp. 232-5 ⤴️
[14] Bréville, Benoît 2011, « Homosexuels et subversifs », Le Monde Diplomatique, disponible sur : http://www.monde-diplomatique.fr/mav/118/BREVILLE/47101 ⤴️
[15] Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire, mouvement autonome rassemblant activistes gays, féministes lesbiennes et plus marginalement folles, drag queens, et trans (notamment au sein des Gazolines). Actif de 1971 à 1975. NDT ⤴️
[16] Shepard, Todd 2012, « “Something Notably Erotic”: Politics, “Arab Men”, and Sexual Revolution in Post-decolonization France », Journal of Modern History, 84, 1 : 80-115. ⤴️
[17] Gay Liberation Front, groupes de libération homosexuelle dont le premier (dont Allen Young faisait partie) est né à New York en 1969 suivant les émeutes de Stonewall, avant de se développer dans d’autres villes des Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Canada et au Québec. NDT ⤴️
[18] D’Emilio et Freedman 1997, pp. 321-2 ⤴️
[19] D’Emilio 2002, p. 56 ⤴️
[20] Qui perturbe, transgresse, subvertit les normes de genre. NDT ⤴️
[21] Stryker 2008, pp. 85-7 ⤴️
[22] Stryker 2008, pp. 98, 102 ⤴️
[23] Les moments clés de cette redécouverte queer du marxisme ont été la publication de Hennessy, Rosemary 2000, Profit and Pleasure: Sexual Identities in Late Capitalism, New York : Routledge ; Floyd 2009 et l’édition spécial de GLQ sur la crise : Crosby, Christina, Lisa Duggan, Roderick Ferguson, Kevin Floyd, Miranda Joseph, Heather Love, Robert McRuer, Fred Moten, Tavia Nyong’o, Jordana Rosenberg, Gayle Salamon, Dean Spade et Amy Villarejo 2012, « Queer Studies, Materialism, and Crisis », GLQ, 18, 1 : 127-47. ⤴️
[24] Vaid, Urvashi, Lisa Duggan, Tamara Metz et Amber Hollibaugh 2013, « What’s Next for the LGBT Movement? », The Nation, disponible sur : http://www.thenation.com/blog/175015/whats-next-lgbt-movement#axzz2azsUV7NX ⤴️
[25] Hennessy, Rosemary 2006, « Returning to Reproduction Queerly: Sex, Labor, Need », Rethinking Marxism, 18, 3 : 387-95, p. 389 ⤴️
[26] Floyd, Kevin 1998, « Making History: Marxism, Queer Theory, and Contradiction in the Future of American Studies », Cultural Critique, 40 : 167-201, p. 187 ⤴️
[27] Duggan, Lisa 2003, The Twilight of Equality? Neoliberalism, Cultural Politics, and the Attack on Democracy, Boston : Beacon Press, p. 50 ⤴️
[28] Brenner, Johanna 2003, « Transnational Feminism and the Struggle for Global Justice », New Politics, 9, 2 : 78–87, pp. 78-79 ⤴️
[29] Hennessy 2000, p. 5, 23-4 ⤴️
[30] Stryker 2008, p. 95 ⤴️
[31] Stryker 2008, p. 111, 113 ⤴️
[32] Mitchell, Gregory 2011, « TurboConsumersTM in Paradise: Tourism, Civil Rights, and Brazil’s Gay Sex Industry », American Ethnologist, 38, 4 : 666-682, p. 672 ⤴️
[33] Cette politique a consisté à “assouplir” l’interdiction faite aux homosexuels et bisexuels de s’engager dans l’armée sans pour autant supprimer formellement l’interdiction mais en demandant aux recruteurs de l’armée de ne pas se renseigner sur l’orientation sexuelle des recrues. NDT ⤴️
[34] Puar, Jasbir 2007, Terrorist Assemblages: Homonationalism in Queer Times, Durham, NC : Duke University Press, p. xxiv, 38-9 ⤴️
[35] Puar 2007, p. 40 ⤴️
[36] Barker, Nicola 2012, Not the Marrying Kind: A Feminist Critique of Same-Sex Marriage, Basingstoke : Palgrave Macmillan, p. 100 ⤴️
[37] Browne, Kath 2011, « “By Partner We Mean …” : Alternative Geographies of “Gay Marriage” », Sexualities, 14, 1 : 100–22 ; Woltersdorff, Volker 2011, « Paradoxes of Precarious Sexualities: Sexual Subcultures under Neo-liberalism », Cultural Studies, 25, 2 : 164-182, p. 177 ⤴️
[38] Barker 2012, p. 155-6, 199, citant Christopher Carrington ⤴️
[39] Woltersdorff 2011, p. 176 ⤴️
[40] Pew Research Center 2013, « A Survey of LGBT Americans: Attitudes, Experiences and Values in Changing Times », disponible sur : http://www.pewsocialtrends.org/2013/06/13/a-survey-of-lgbt-americans/ ⤴️
[41] Wolf, Sherry 2009, Sexuality and Socialism: History, Politics and Theory of LGBT Liberation, Chicago : Haymarket Books, p. 147 ⤴️
[42] Shah Chayanika, Raj, Shalini Mahajan et Smriti Nevatia 2012, « Breaking the Binary: Understanding Concerns and Realities of Female Assigned/Born Persons across a Spectrum of Lived Gender Identities », in Saskia E. Wieringa (éd.), Women-Loving-Women in Africa and Asia: Trans/Sign, Report of Research Findings, Amsterdam : Riek Stienstra Fonds, 2012, pp. 189-190 ⤴️
[43] Rubin, Gayle 2011, Deviations: A Gayle Rubin Reader, Durham, NC : Duke University Press, p. 251 ⤴️
[44] Brenner, Johanna 2000, Women and the Politics of Class, New York : Monthly Review Press, p. 317. Pour des analyses globales de la logique capitaliste qui sous-tend le néolibéralisme, voir Hobsbawm, Eric 1994, Age of Extremes: The Short Twentieth Century, 1914-1991, Londres : Michael Joseph, en particulier pp. 9-10, 205, 277-81, 308, 362, 405-7, 424, 573, et Went, Robert 2001, Essays on Globalization: A Journey to a Possibly New Stage of Capitalism, Amsterdam : University of Amsterdam [thèse de doctorat], en particulier pp. 83-7, 149-50. ⤴️
[45] Duggan 2003, p. 3, les italiques sont de l’auteur ⤴️
[46] Maikey, Haneen 2012, « Signposts from Al Qaws: A Decade of Building a Queer Palestinian Discourse », disponible sur http://www.bekhsoos.com/web/2012/05/alqaws/ ⤴️
[47] Stryker 2008, p. 3, 4, 11-2 ⤴️
[48] Au sens de la théorie de la dépendance, désigne les pays du Sud global mis en situation de dépendance économique par les pays impérialistes les ayant contraint au sous-développement. NDT ⤴️
[49] Wekker, Gloria 1999, « “What’s Identity Got to Do with It?” », in Evelyn Blackwood et Saskia Wieringa (éds.), Female Desires: Same-Sex Relations and Transgender Practices across Cultures, New York : Columbia University Press, 1999, p. 132 ⤴️
[50] Hennessy 2000, p. 9 ⤴️
[51] Crosby et al. 2012, p. 140, Roderick Ferguson, 138, Kevin Floyd ⤴️
[52] Schulman, Sarah 2012, Israel/Palestine and the Queer International, Durham, NC : Duke University Press, p. 128-9 ⤴️
[53] Makarem, Ghassan 2011, « The Story of HELEM », Journal of Middle East Women’s Studies, 7, 3 : 98-112, p. 107-9 ⤴️
[54] Difficilement traduisible, le terme d’agency réfère à la capacité/puissance d’agir, le plus souvent traduit par « agentivité » ou laissé tel-quel. NDT ⤴️
[55] Nana, Joel Gustave, Hakima Abbas, Wanja Muguongo, Phumi Mtetwa et Sibongile Ndashe 2011, « Statement of African Social Justice Activists on the Threats of the British Government to “Cut Aid” to African Countries that Violate the Rights of LGBTI People in Africa », disponible sur http://www.amsher.net/news/ViewArticle.aspx?id=1200 ⤴️
[56] Identité de genre traditionnelle du sous-continent indien. Vivant en communauté, les hijras sont souvent perçu.e.s de manière réductrice comme appartenant à un « troisième sexe » par les observateurs occidentaux, bien que leur condition n’est pas compatible avec les catégories de genre occidentales modernes. NDT ⤴️
[57] Barker 2012, p. 176, citant Jin Haritaworn, Chin-ju Lin et Christian Klesse ⤴️
[58] Vaid, Duggan, Metz et Hollibaugh 2013 ⤴️
[59] DeFilippis, Joseph N. 2011/2012, « A New Queer Agenda: Introduction », Scholar & Feminist Online, 10, 1/2, disponible sur : http://sfonline.barnard.edu/a-new-queer-agenda/introduction/ ⤴️
[60] Hollibaugh, Amber et Nikhil Pal Singh 1999, « Sexuality, Labor, and the New Trade Unionism », Social Text, 17, 4 : 73-88, p. 75, 77, 80, 83 ⤴️
[61] Hennessy 2000, p. 229-30 ⤴️
Corpus
Voici un ensemble de textes pour vous permettre d’aller plus loin sur ce sujet
- Homonationalisme, Jasbir Puar
- Aux édition Amsterdam
- La Gaie Panique, Mickaël Tempete
- Aux éditions Divergences
- Le conflit n’est pas une agression, Sarah Schulman
- Aux éditions B42
- Sexagon, Muslims, France, and the Sexualization of National Culture, Mehammed Amadeus Mack
- Aux édition Fordham University Press
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